Lex-part – Infos Sociales mars 2016

- Social

v  Précisions quant aux nouvelles règles de présentation du bulletin de paye (Décret n° 2016-190 du 25 février 2016, JO du 26 février et Arrêté du 25 février 2016, texte n° 15, JO du 26 février)

Ces nouvelles règles de présentation du bulletin de paye seront applicables à partir de 2017 ou 2018 selon l’effectif de l’entreprise. Les cotisations et contributions seront regroupées par risques, celles exclusivement à la charge de l’employeur feront l’objet d’une seule ligne et de nouvelles mentions viseront à mieux informer le salarié sur le coût du travail.

Les nouvelles dispositions s’appliqueront :

– à compter du 1er janvier 2017 aux employeurs de
300 salariés et plus ;

– à compter du 1er janvier 2018 aux autres employeurs.

Toutefois, les employeurs qui le souhaitent peuvent remettre à leurs salariés un bulletin de paye conforme à ces nouvelles règles dès le 1er mars 2016.

          Les changements dans les mentions obligatoires du bulletin de paye :

Mentions relatives à l’entreprise et à l’URSSAF : la référence de l’organisme auquel l’employeur s’acquitte des cotisations de sécurité sociale, ainsi que le numéro sous lequel ces cotisations sont versées, seront supprimés. Le bulletin de paye doit comporter le code NAF, comme aujourd’hui, et, pour les employeurs concernés, le numéro d’inscription au répertoire SIRENE. Jusqu’alors, cette dernière mention n’était pas formellement exigée par le Code du travail.

Coût du travail : les mentions relatives aux cotisations sont modifiées et complétées, afin d’assurer une meilleure information du salarié sur le coût du travail.

Le bulletin de paye doit ainsi indiquer :

– le montant, l’assiette et le taux des cotisations et contributions d’origine légale et conventionnelle, à la charge de l’employeur et du salarié, avant déduction des exonérations et exemptions correspondant à une série de dispositifs listés par arrêté ;

le montant total de ces exonérations et exemptions ;

le montant total versé par l’employeur, à savoir la rémunération brute, majorée des cotisations et contributions patronales mais diminué des exonérations et exemptions dont il a bénéficié.

Exonérations et exemptions à retracer : s’agissant des exonérations et exemptions de cotisations prises en compte, l’arrêté vise une liste précise de dispositifs (arrêté du 25 février 2016, art. 4). Il s’agit notamment :

– réduction Fillon ;

– réduction de taux de cotisation d’allocations
familiales ;

– exonération sur 50 embauches maximum en zone de revitalisation rurale (ZRR) ;

– exonérations applicables aux organismes d’intérêt général ayant leur siège social en ZRR ;

– exonérations applicables en zone franche urbaine, zone de restructuration de la défense et bassin d’emploi à redynamiser.

Renvoi à www.service-public.fr : il est également inséré sur le bulletin une mention relative à la rubrique dédiée au bulletin de paie sur le portail
www.service-public.fr.

Suppression de l’option « une fois par an » pour les contributions patronales : actuellement, si l’employeur le souhaite, il peut ne pas faire figurer les cotisations et contributions patronales sur le bulletin de paye et se contenter d’envoyer un récapitulatif au salarié une fois par an. Cette option sera supprimée.

          Regroupement des cotisations et contributions

Obligation de regroupement : à l’avenir, les lignes de cotisation de protection sociale devront être regroupées par risque couvert, ainsi que les contributions à la charge de l’employeur, selon des modèles fixés par arrêté. Au passage, il est précisé que la CSG et la CRDS peuvent être regroupées, comme c’est déjà souvent le cas (d’un côté la CSG et la CRDS non déductibles imposables à l’impôt sur le revenu, de l’autre, la CSG déductible non imposable).

Sous l’intitulé « cotisations et contributions sociales » figurent dix rubriques :

– santé ;

– accidents du travail-maladies professionnelles ;

– retraite ;

– famille-sécurité sociale ;

– assurance chômage ;

– autres contributions dues par l’employeur ;

– cotisations statutaires ou prévues par la convention collective ;

– CSG non imposable à l’impôt sur le revenu ;

– CSG et CRDS imposables à l’IR ;

– allégement de cotisations.

En outre, les informations répertoriées au titre de la santé sont divisées en trois sous-rubriques :

– sécurité sociale : maladie, maternité, invalidité,
décès ;

– complémentaire : incapacité, invalidité, décès ;

– complémentaire santé.

L’arrêté complète le dispositif, en présentant les modèles de regroupement des cotisations pour les salariés cadres et non-cadres, (arrêté du 25 février 2016, art. 1 et 2).

L’arrêté prévoit à cet égard deux modèles types, un pour les salariés non-cadres et un pour les cadres. Il précise en outre que la rubrique « Autres contributions dues par l’employeur » agrège les contributions dues uniquement par l’employeur (notamment, FNAL, versement de transport, contribution solidarité autonomie, forfait social, taxe d’apprentissage, contribution au financement syndical) (arrêté du 25 février 2016, art. 3).

Suppression des récapitulatifs annuels : il est actuellement possible, à titre optionnel, de regrouper les cotisations salariales et patronales, sous certaines conditions. Dans ce cas, l’employeur doit envoyer un récapitulatif annuel au salarié. L’obligation d’établir un récapitulatif annuel présentant des regroupements de cotisations sera supprimée.

 

v  Le taux réduit des cotisations AF applicable jusqu’à 3,5 smic à compter du 1er avril 2016

En application de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016, les employeurs entrant dans le champ de la réduction Fillon bénéficieront, à compter du 1er avril 2016, d’un taux réduit de cotisation d’allocations familiales à 3,45 % (au lieu de 5,25 %) sur les salaires allant jusqu’à 3,5 smic.

Depuis le 1er janvier 2015, le taux de la cotisation patronale d’allocations familiales est passé de 5,25 % à 3,45 % pour les employeurs entrant dans le champ de la réduction générale des cotisations patronales (dite « réduction Fillon »), au titre des salariés dont la rémunération n’excède pas 1,6 foisle montant du smic annuel.

A compter du 1er avril 2016, l’application de ce taux réduit sera étendue aux rémunérations comprises entre 1,6 smic et 3,5 smic.

Les modalités de calcul de la réduction seront adaptées pour 2016 afin de prendre en compte la coexistence de deux taux d’allocations familiales (avant et après le 1er avril 2016). Ainsi, la réduction de taux sera calculée en fonction de la rémunération annuelle totale perçue en 2016 pour chacune des périodes du 1er janvier au 31 mars 2016 et du 1er avril au 31 décembre 2016.

A titre d’exemple, lorsque le salarié perçoit une rémunération égale à 2,5 smic, l’entreprise ne sera éligible au taux réduit qu’à compter du 1er avril 2016 (non prise en compte des mois précédents pour lesquels la rémunération était exclue du dispositif).

 Pour les entreprises de neuf salariés au plus pratiquant le décalage de la paie avec rattachement à la période d’emploi, l’application du taux réduit de 3,45 % sur les salaires allant jusqu’à 3,5 smic entrera en vigueur à compter des rémunérations versées en mai pour la période d’emploi d’avril 2016.

 

v  Les modalités de prise en charge des salariés des TPE en formation sont fixées (Décret n° 2016-189 du 24 février 2016, JO du 26 février)

L’article 277 de la loi Macron du 6 août 2015 autorise les OPCA à prendre en charge la rémunération des salariés des entreprises de moins de dix salariés, dès lors qu’ils sont en formation dans le cadre du plan de formation.

Un décret du 24 février fixe les modalités de cette prise en charge. Ce texte, qui entre en vigueur le 27 février 2016, détermine aussi le calcul de la contribution à la formation professionnelle en cas de franchissement du seuil de dix salariés.

          Prise en charge par les OPCA

L’article 1er du décret acte le principe de prise en charge par les OPCA de la rémunération des salariés dans le cadre du plan de formation des employeurs occupant moins de dix salariés. Le décret prévoit que les ressources affectées au plan de formation des employeurs occupant moins de dix salariés peuvent, selon des modalités précisées par le conseil d’administration de l’OPCA, être destinées à la prise en charge de la rémunération et charges sociales (légales et conventionnelles) des salariés en formation, dans la limite du coût horaire du smic par heure de formation.

Le conseil d’administration détermine, le cas échéant, les priorités, les critères et les conditions de prise en charge des demandes des employeurs.

          Calcul de la contribution à la formation professionnelle

Les employeurs qui, en raison de l’accroissement de leur effectif, atteignent ou dépassent au titre d’une année, pour la première fois, l’effectif de dix salariés restent soumis, pour cette année et les deux années suivantes à l’obligation de financement prévue pour les entreprises de moins de dix salariés. Pour mémoire, cette participation s’élève à 0,55 % du montant des rémunérations versées pendant l’année en cours, au lieu de 1 % pour celles d’au moins dix salariés.

Pour les 4e et 5e années, le taux applicable est aménagé. Le pourcentage minimal de leur participation de 1 % est calculé en diminuant respectivement le montant des rémunérations versées pendant l’année en cours d’un montant équivalent à 30 % puis 10 %, contre 0,3 % et 0,1 % auparavant.

 

v  Jurisprudence

La faute lourde n’est plus privative de l’indemnité compensatrice de congés payés (Cons. const. QPC, 2 mars 2016, n° 2015-523)

Le 2 mars 2016, le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, a censuré, avec effet immédiat, la disposition du Code du travail qui dispense l’employeur de verser l’indemnité compensatrice de congés payés en cas licenciement pour faute lourde.

En cas de rupture du contrat de travail à l’initiative de l’une ou l’autre des parties, le salarié doit bénéficier d’une indemnité compensatrice au titre des congés payés non pris.

Le principe était jusqu’à présent assorti d’une exception légale : « L’indemnité est due dès lors que la rupture du contrat de travail n’a pas été provoquée par la faute lourde du salarié, que cette rupture résulte du fait du salarié ou du fait de l’employeur »(article L. 3141-26 al. 2 du Code du travail).

Cette exception tirée de l’existence d’une faute lourde n’a désormais plus lieu d’être.

A l’occasion d’une QPC, le Conseil constitutionnel l’a en effet déclarée contraire au principe d’égalité devant la loi dans la mesure où une autre disposition du Code du travail prévoit qu’il n’y a pas de perte de l’indemnité compensatrice de congés payés pour les salariés, auteurs d’une faute lourde, dont l’employeur est affilié à une caisse de congés payés (BTP, transports, ports, spectacles).

Cette différence de traitement a été jugée « sans rapport tant avec l’objet de la législation relative aux caisses de congés qu’avec l’objet de la législation relative à la privation de l’indemnité compensatrice de congé payé ». Rien ne permet en effet d’expliquer que selon que l’employeur cotise ou non à une caisse de congés, le salarié soit privé ou non de l’indemnité compensatrice de congés.

Les salariés sont donc désormais placés sur un même pied d’égalité.

Par rapport à la faute grave, la faute lourde conserve pour seul intérêt de permettre à l’employeur d’engager la responsabilité pécuniaire du salarié aux fins de réparation du préjudice subi.

Cette déclaration d’inconstitutionnalité est d’application immédiate.

Le Conseil n’a en effet pas jugé nécessaire de différer les effets de cette déclaration d’inconstitutionnalité, qui s’appliquera donc à compter de la date de publication (imminente) de sa décision au Journal Officiel.

Elle peut être invoquée dans toutes les instances déjà introduites à cette date et non encore jugées définitivement.

Elle concerne donc :

– les salariés licenciés pour faute lourde à compter ou postérieurement à la date de publication au Journal Officiel ;

– les salariés licenciés avant cette date et qui avaient déjà engagé une procédure contentieuse non définitivement close, ou qui engageront une telle procédure.

En revanche, ainsi que le précise le commentaire publié aux cahiers du Conseil constitutionnel, « seront exclues du bénéfice de la censure toutes les personnes licenciées pour faute lourde qui ont engagé une procédure contentieuse close définitivement avant la publication de la décision et celles licenciées pour faute lourde qui seraient à cette même date hors délai pour introduire une requête ».

L’avant-projet de loi « Travail » devrait être modifié en conséquence.

 

Fixer des objectifs irréalisables conditionnant la part variable peut justifier la résiliation judiciaire du contrat (Cass. soc., 12 février 2016, n° 14-27024)

Dans cette affaire, une salariée attachée commerciale avait signé un contrat prévoyant une rémunération fixe d’un montant brut mensuel de 1 400 € et une rémunération variable assise sur la valeur des contrats d’abonnement facturés. Un avenant avait par la suite porté la partie fixe du salaire à 1 800 € par mois et modifié les modalités de calcul de la partie variable.

Les objectifs imposaient à la salariée d’augmenter le chiffre d’affaires apporté de près de 30 % par rapport à l’année précédente, le seuil de déclenchement de la rémunération variable ayant été fixé à 70 % de l’objectif fixé.

La salariée avait saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire. Elle soulignait que l’employeur ne fournissait pas les éléments sur lesquels il s’était fondé pour déterminer les objectifs fixés, ni les informations sur les performances des autres commerciaux, ni sur les objectifs respectifs. Ainsi, celui-ci ne pouvait pas imputer l’incapacité de la salariée à apporter les chiffres d’affaires convenus à sa nonchalance ou à une insuffisance professionnelle.

 Pour la cour de cassation, lors de la signature de l’avenant, l’employeur avait fixé à la salariée des objectifs irréalisables conditionnant le versement de la part variable de sa rémunération, qui était devenue ainsi marginale.

Par ailleurs, l’employeur, après avoir fait travailler cette salariée sans contrepartie sur un projet de constitution du réseau commercial, lui avait retiré brutalement cette mission à laquelle étaient attachées des perspectives d’évolution de carrière.

Les juges pouvaient donc décider que ces manquements de l’employeur à son obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail étaient suffisamment graves pour empêcher la poursuite de celui-ci et prononcer la résiliation à ses torts.

 

CHSCT : aucun délai spécifique ne s’impose à l’employeur pour contester une expertise (Cass. soc., 17 février 2016, nos 14-15178, 14-22097, 14-13858, 14-18381, 14-25358)

Par cinq arrêts, la Cour de cassation précise, pour la première fois, que l’action de l’employeur en contestation de l’expertise décidée par le CHSCT n’est soumise, en l’absence de texte spécifique, qu’au délai de prescription de droit commun de cinq ans.

L’employeur qui entend contester la nécessité de l’expertise demandée par le CHSCT doit saisir le juge judiciaire.

Les modalités de ce recours sont envisagées très sommairement par le Code du travail. Il n’est, en particulier, fait mention d’aucun délai de saisine au-delà duquel la demande ne serait plus recevable.

Dans le silence des textes, plusieurs cours d’appel ont exigé que l’action soit engagée « à bref délai » ou dans un « délai raisonnable » après la délibération du CHSCT.

Par une série de cinq arrêts du 17 février, la Cour de cassation recadre : aucun délai spécifique n’étant prévu par les textes, l’action de l’employeur n’est soumise qu’au délai de prescription de droit commun de cinq ans.

NB : Les modalités de l’action en contestation de la délibération du CHSCT nommant un expert seront amenées à évoluer prochainement, sous l’impulsion de la récente décision du Conseil constitutionnel ayant pointé l’absence d’effet suspensif de ce recours et l’absence de délai imparti au juge pour rendre sa décision (Cons. const. QPC, 27 novembre 2015, n° 2015-500).

Les Sages ayant appelé le législateur à intervenir avant le 1er janvier 2017, l’avant-projet de loi « visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs » s’est employé à mieux encadrer ce recours.

 En l’état actuel du texte, le président du TGI statuerait en premier et dernier ressort dans les dix jours, et sa saisine suspendrait l’exécution de la décision du CHSCT ainsi que les délais de consultation, jusqu’à l’expiration du délai de pourvoi en cassation. Il n’est toutefois prévu aucun délai de prescription particulier pour l’introduction de l’action de l’employeur.

 

Avis d’inaptitude : le médecin du travail ne doit pas céder au chantage du salarié ni se fier à ses seuls dires (CE, 10 février 2016,
384299)

 Dans un arrêt du 10 février 2016, le Conseil d’Etat s’est penché sur les exigences déontologiques pesant sur le médecin du travail lors de d’établissement des avis d’inaptitude.

Pour rappel, la reconnaissance de l’inaptitude d’un salarié à son poste par le médecin du travail ne peut, en principe, être constatée :

– qu’à l’issue d’une étude du poste de travail et des conditions de travail dans l’entreprise ;

– qu’après avoir effectué deux examens médicaux de l’intéressé, espacés de deux semaines (dans certains cas, un seul examen suffit).

Dans cette affaire, une salariée avait fait l’objet d’un avis d’inaptitude à son poste. Mais ses employeurs estimaient que la médecin du travail qui avait établi les avis avait eu une « attitude tendancieuse ». Ils avaient alors saisi la formation disciplinaire de l’ordre des médecins d’une plainte à l’encontre de celle-ci.

La chambre disciplinaire régionale de l’ordre des médecins a tout d’abord rejeté leur plainte, mais en appel, la chambre nationale leur a donné gain de cause et a infligé un « blâme » à la médecin du travail. Pour contester cette sanction, cette dernière s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat.

Le Conseil d’Etat commence par constater que la médecin du travail avait elle-même reconnu l’irrégularité de l’avis d’inaptitude, mais qu’elle s’était sentie obligée de le rédiger car, faute de ce certificat, la salariée menaçait de se suicider.

Puis, il relève que la médecin a établi ultérieurement des avis d’inaptitude à partir des seuls dires de la salariée, sans analyse précise du poste de travail ni échange préalable avec les employeurs.

Dans ses conditions, la médecin du travail avait effectivement manqué à ses obligations déontologiques. Son pourvoi est donc rejeté et le blâme maintenu.

 

L’expert-comptable d’un CE autorisé à accéder à l’information sur la stratégie du groupe (CA Lyon, 8 janvier 2016, n° 14/09041)

Pour la cour d’appel de Lyon, si la stratégie d’une filiale est définie par la société mère, l’expert-comptable du comité d’entreprise de cette filiale a accès aux informations sur la stratégie du groupe.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013, le comité d’entreprise est consulté chaque année sur les orientations stratégiquesde l’entreprise et sur leurs conséquences.

L’affaire soumise à la cour d’appel de Lyon présentait deux difficultés. D’une part, l’entreprise en cause, exécutant une convention de délégation de service public, prétendait ne pas disposer de stratégie autre que celle tendant à l’exécution de cette délégation. D’autre part, l’expert-comptable du comité d’entreprise soutenait que la stratégie étant définie au niveau du groupe, il devait, pour comprendre les orientations stratégiques de l’entreprise, avoir accès aux éléments d’orientation stratégique du groupe et pouvoir rencontrer des interlocuteurs du groupe.

          Un délégataire de service public a une stratégie

Sur ce point, la cour d’appel de Lyon apporte une réponse qui ne saurait surprendre : même un délégataire de service public a une stratégie. Il lui appartient en effet de prendre les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs attendus de lui dans la convention de service public. Et il demeure pleinement responsable de la gestion des services qui lui sont délégués ainsi que des biens et moyens mis à sa disposition. Il ne peut donc pas se retrancher derrière l’existence de la délégation de service public pour refuser de fournir à son comité des éléments d’information sur sa stratégie pour l’avenir ainsi que sur les moyens qu’il entend mettre en œuvre en vue d’atteindre ses objectifs.

          L’expert-comptable du comité d’entreprise a accès à la stratégie du groupe

Sur le deuxième point litigieux, la position de la cour d’appel de Lyon est à première vue plus audacieuse puisqu’elle accepte que l’expert-comptable du comité d’entreprise de la filiale ait accès à la stratégie du groupe. La loi prévoyant une consultation sur les orientations stratégiques « de l’entreprise », on aurait pu en effet s’attendre à ce que l’expert-comptable du comité d’entreprise se voie refuser l’accès aux orientations stratégiques du groupe.

Néanmoins, cette solution peut être rapprochée de celle retenue à propos de la consultation du comité d’entreprise sur les comptes annuels de l’entreprise. Pour la Cour de cassation, en effet, l’expert-comptable missionné dans le cadre de cette consultation peut, pour apprécier la situation de l’entreprise, étendre ses investigations à la société mère, y compris à celles situées à l’étranger.

Il n’est donc pas exclu qu’en cas de pourvoi dans la présente l’affaire, la Cour de cassation approuve l’arrêt de la cour d’appel de Lyon. D’autant que celle-ci prend soin de relever, pour donner gain de cause à l’expert, que la société ne disposait d’aucune autonomie réelle car sa stratégie était, pour l’essentiel, définie et contrôlée dans son application par le groupe.

          L’expert-comptable de la filiale ne peut pas rencontrer les interlocuteurs du groupe

En revanche, la demande visant à obtenir un entretien entre des interlocuteurs du groupe et l’expert-comptable du comité est rejetée. La cour d’appel de Lyon rappelle qu’aucun texte ne lui permet de contraindre un groupe à recevoir l’expert-comptable du comité d’entreprise d’une filiale.

 

Travail dissimulé : le contenu de l’obligation de vigilance du donneur d’ordre est précisé (Cass. 2e civ., 11 février 2016, nos 14-10614 et 15-10168)

Selon deux arrêts rendus le 11 février 2016 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, seule la remise des documents listés à l’article
D. 8222-5 du Code du travail permet au donneur d’ordre d’assurer la bonne exécution de son obligation de vigilance et d’échapper ainsi à la solidarité financière
prévue en cas d’infraction de travail dissimulé commise par son sous-traitant ou cocontractant.

Dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé, dans laquelle le donneur d’ordre doit jouer un rôle majeur, l’article D. 8222-5 du Code du travail dresse une liste de documents que celui-ci doit se faire remettre par son sous-traitant ou cocontractant, pour être considéré comme ayant procédé aux vérifications que lui impose la loi en matière de déclarations sociales et de paiement, par ce dernier, des cotisations et contributions sociales.

Cette formalité ne doit pas être négligée car son inobservation permet, en cas d’infraction de travail dissimulée commise par le sous-traitant, de rechercher la responsabilité solidairedudonneur d’ordre pour le paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires (pénalités et majorations comprises) dus au Trésor ou aux organismes de protection sociale, pour le remboursement des aides publiques et pour le paiement des rémunérations, indemnités et charges dues au titre des salariés dissimulés.

En clair : La vigilance est donc de mise, d’autant que la Cour de cassation précise qu’aucun autre document que ceux visés par les dispositions réglementaires du Code du travail ne permet au donneur d’ordre d’échapper à la mise en œuvre de cette solidarité financière.

 

Absences répétées pour maladie d’un DP : le licenciement admis sans reclassement préalable (CE, 9 mars 2016, n° 378129)

Le Conseil d’Etat clarifie, par un arrêt du 9 mars, les conditions de licenciement du salarié protégé dont les absences répétées ou prolongées pour maladie perturbent le fonctionnement de l’entreprise et rendent nécessaire son remplacement définitif.

Il est ainsi précisé qu’aucune obligation préalable de recherche d’un poste de reclassement ne s’impose à l’employeur, contrairement à ce que laissait entendre une circulaire DGT du 30 juillet 2012.

En cas d’absences répétées ou prolongées pour maladie, il est possible de prononcer un licenciement motivé par la situation objective de l’entreprise dont le fonctionnement s’en trouve fortement perturbé. Ces perturbations doivent rendre nécessaire le remplacement définitif de l’intéressé par l’embauche d’un autre salarié.

Ce motif de rupture admis par la jurisprudence pour les salariés non titulaires d’un mandat l’est aussi pour les salariés protégés (CE, 27 mars 1992, n° 104460).

S’agissant de ces derniers, une condition supplémentaire semblait s’imposer à l’employeur aux termes d’une circulaire administrative du 30 juillet 2012 et d’une décision rendue par le Conseil d’Etat en 1996 : celle de rechercher au préalable un poste permettant de reclasser le salarié.

Il n’en est rien, ainsi que le souligne un nouvel arrêt rendu le 9 mars par le Conseil d’Etat.

En effet, cet arrêt détaille les points de contrôle de l’Inspecteur du travail, sans qu’aucune référence ne soit faite aux possibilités de reclassement : « dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur des absences prolongées ou répétées pour maladie du salarié, il incombe à l’Inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si, eu égard à la nature des fonctions de l’intéressé et aux règles applicables à son contrat, ses absences apportent au fonctionnement de l’entreprise des perturbations suffisamment graves que l’employeur ne peut pallier par des mesures provisoires et qui sont dès lors de nature à justifier le licenciement en vue de son remplacement définitif par le recrutement d’un autre salarié ».

Il en résulte, poursuit l’arrêt, que « la fédération n’était pas tenue de rechercher un poste permettant le reclassement de Mme A ».

En clair : En dehors de l’hypothèse dans laquelle le médecin du travail a été saisi et a conclu à l’inaptitude du salarié (le licenciement relèvera alors du régime de l’inaptitude), l’employeur n’a pas d’obligation de reclassement à observer avant de prononcer un licenciement pour trouble objectif, y compris lorsqu’il concerne un salarié protégé.

 

v  Expertise du CHSCT jugée injustifiée : les frais restent à la charge de l’employeur (Cass. soc., 15 mars 2016, n° 14-16242)

Les employeurs doivent se résoudre, pendant quelques mois encore, à acquitter les dépenses d’expertise issues d’une délibération du CHSCT dont ils ont pourtant obtenu l’annulation en justice.

Dans un arrêt du 15 mars, la Cour de cassation rappelle en effet que la déclaration d’inconstitutionnalité des dispositions du Code du travail qui fondent cette solution jurisprudentielle a été reportée au 1er janvier 2017.

La possibilité pour l’expert de recouvrer le paiement de ses honoraires auprès de l’employeur reste donc applicable jusqu’à cette date.

Ainsi, jusqu’à ce que le législateur ait remédié à l’inconstitutionnalité du texte (au plus tard, le 1er janvier 2017), la Cour décide de maintenir en l’état sa jurisprudence tendant à faire supporter par l’employeur le coût des travaux d’expertise déjà réalisés au moment où le juge prononce l’annulation de la délibération du CHSCT ayant missionné l’expert.

Remarque : L’avant-projet de loi de réforme du Code du travail a pris en compte la déclaration d’inconstitutionnalité du 27 novembre 2015 : le président du TGI statuerait en premier et dernier ressort dans un délai de dix jours et sa saisine suspendrait l’exécution de la décision du CHSCT jusqu’à l’expiration du délai de pourvoi en cassation. Ce qui mettrait définitivement fin à cette jurisprudence.

 

Un rappel de salaire dû sur plusieurs mois peut figurer sur un seul bulletin de paie (Cass. soc., 27 janvier 2016, n° 14-19210)

Lorsque l’employeur est condamné au versement d’un rappel de salaire dû sur plusieurs mois, celui-ci peut figurer sur un seul bulletin de paie établi lors de son paiement.

Dans cette affaire, la cour d’appel avait enjoint à l’employeur, condamné au paiement de rappels de salaires afférents à une période de plusieurs mois, de remettre au salarié des bulletins de paie rectifiés dans le mois de sa décision, sous peine d’une astreinte de 50 euros par jour de retard et par document.

Cette décision a été censurée.

Rien ne s’oppose en effet, comme la Cour de cassation l’a déjà précisé, à ce que lesdits rappels de salaire figurent sur un seul bulletin de paie établi lors de leur paiement (Cass. soc., 30 novembre 2010, n° 09-41065).