Publication de la Loi Travail au Journal officiel (Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, JO du 9)
La loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels a été publiée au Journal officiel du 9 août 2016 amputée des quelques dispositions invalidées par le Conseil constitutionnel.
Publiée le 9 août 2016, la loi Travail s’applique à compter du 10 août, à l’exception toutefois de ses dispositions dont l’entrée en vigueur est expressément fixée à une date ultérieure et de celles dont l’application est subordonnée à la publication de décrets.
- La loi est en principe applicable à compter du 10 août 2016
La loi Travail, qui, notamment, pose les jalons d’une nouvelle architecture du Code du travail (distinction entre les dispositions d’ordre public, celles ouvertes à la négociation et les règles supplétives s’imposant à défaut d’accord), réforme le droit de la négociation collective, redéfinit le motif économique licenciement et comporte diverses mesures en faveur de l’emploi ou propres à sécuriser les parcours professionnels, entre, en principe, en vigueur le 10 août 2016, lendemain de sa publication.
En particulier, sont d’application immédiate : la nouvelle architecture du Code du travail en matière de durée du travail, de congés payés et de congés spécifiques ; la faculté de négocier des accords de méthode fixant les bonnes pratiques en matière de négociation ; la possibilité pour les petites entreprises d’adopter des accords-types négociés par la branche ; les règles d’articulation entre les accords conclus à différents niveaux, la possibilité de négocier un accord de substitution dès le début du préavis de dénonciation d’un accord… De même, s’appliquent aux accords collectifs conclus à compter de la publication de la loi l’obligation d’y insérer un préambule, les modifications portant sur leur durée, les règles simplifiant les conditions de validité des accords conclus avec des élus non mandatés.
Sont également applicables la plupart des mesures concernant les représentants du personnel (relèvement du crédit d’heures des délégués syndicaux, possibilité de définir par accord l’ordre de consultation du CCE et des comités d’établissement…), la durée du travail et les congés.
- Certaines dispositions nécessitent des décrets d’application
Toutefois, nombreuses sont les dispositions dont l’entrée en vigueur est subordonnée à la publication de décrets d’application. Parmi celles-ci, signalons les nouvelles modalités de négociation et de révision des conventions et accords collectifs de travail, les nouvelles règles en matière de surveillance médicale des salariés et d’inaptitude physique, la possibilité de négocier dans l’entreprise un accord de préservation ou de développement de l’emploi (accord dit « offensif »), la formation des acteurs de la négociation collective, les dispositions visant à faciliter le vote électronique lors des élections professionnelles, les règles de décompte des heures de délégation pour les représentants du personnel au forfait jour, la contribution mise à la charge des employeurs établis à l’étranger détachant des salariés en France, les droits des travailleurs indépendants utilisant des plateformes de mise en relation de type Uber.
- Certaines mesures entreront en vigueur seulement dans les prochains mois
L’entrée en vigueur d’autres dispositions est différée à une date expressément fixée. Ainsi, notamment, les critères des difficultés économiques susceptibles de justifier un licenciement économique s’appliqueront à compter du1er décembre 2016.
C’est au 1er janvier 2017 qu’entreront en vigueur le compte personnel de formation pour les non-salariés, les dispositions sur les conditions d’utilisation des outils numériques pour les communications syndicales et celles visant à faciliter la mise en place du bulletin de paie électronique. De même, le principe de l’accord majoritaire d’entreprise s’appliquera à cette date pour les accords portant sur la durée du travail, les repos et les congés et au 1er janvier 2019 pour les autres accords. Les nouvelles règles de publicité des conventions et accords collectifs ne seront applicables qu’aux textes conclus à compter du 1er septembre 2017, sous réserve de la publication des décrets nécessaires.
Les différentes mesures de la Loi vous seront prochainement détaillées
dans un flash spécial de la Lex-Part Infos.
Dispositif « Zéro chômage de longue durée » : le décret est paru (Décret n° 2016-1027 du 27 juillet 2016, JO du 28)
Une loi d’expérimentation territoriale a mis en place un cadre juridique pour mener une expérimentation visant, dans certains territoires (10 au maximum), à aider les entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS) à embaucher des chômeurs de longue durée en contrat à durée indéterminée (loi n° 2016-231 du 29 février 2016, JO 1er mars).
Un fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée est chargé de financer une fraction de la rémunération des salariés embauchés dans le cadre de ce dispositif, ainsi qu’une fraction de leur indemnité de licenciement, s’ils sont licenciés au terme de l’expérimentation dans l’hypothèse où celle-ci ne serait pas renouvelée.
Le décret, nécessaire pour que le dispositif devienne opérationnel, est paru au Journal Officiel du 28 juillet 2016.
Il précise les critères retenus pour fixer le montant de rémunération prise en charge par le fonds d’expérimentation territoriale.
Le montant de cette « contribution au développement de l’emploi » est fixé en proportion du SMIC. Il ne peut excéder 113 % de son montant brut par heure travaillée, dans la limite de la durée légale hebdomadaire du travail. Ce montant peut être modulé par décision du fonds en fonction de certains critères (décret n° 2016-1027 du 27 juillet 2016).
La contribution ne peut pas être cumulée, pour une même embauche, avec une autre aide à l’insertion ou à l’emploi financée par l’Etat au titre d’un même salarié. Elle ne peut pas être attribuée lorsque l’employeur n’est pas à jour du versement de ses cotisations et contributions sociales.
Pour bénéficier de la contribution, l’employeur doit produire une attestation justifiant le nombre d’heures de travail effectuées par les salariés participant à l’expérimentation.
Le décret précise les modalités de remboursement à l’employeur d’une fraction des indemnités de licenciement versées aux salariés licenciés, soit au terme de l’expérimentation qui ne serait pas renouvelée, soit en cas d’interruption avant ce terme par décision du fonds. Ce remboursement intervient, sur décision du fonds, après réception d’un justificatif du montant versé par l’employeur aux salariés licenciés.
L’entreprise doit conclure avec le fonds une convention qui est fixée pour la durée de l’expérimentation. Le décret précise les mentions obligatoires à faire figurer dans cette convention. Celle-ci fixe notamment le nombre maximal de salariés exprimé en équivalents temps plein couverts par la contribution. Elle peut prévoir une dégressivité du montant annuel de la contribution pour tenir compte de l’évolution de la situation économique de l’entreprise. Un avenant assorti d’une annexe financière fixe, pour chaque année civile ou si nécessaire pour chaque semestre, les engagements de l’employeur et le montant de la subvention versée pour l’année considérée, compte tenu du bilan établi par l’employeur pour l’année précédente.
Rappelons que cette expérimentation a une durée maximale de 5 ans à compter de la promulgation de la loi (soit jusqu’au 28 février 2021 au plus tard). Au plus tard 18 mois avant le terme de l’expérimentation, un rapport public dressant le bilan de l’expérimentation sera remis au Ministre du Travail.
La déclaration de détachement devra être effectuée en ligne à partir du 1er octobre 2016 (Décret n° 2016-1044 du 29 juillet 2016, JO du 31)
Les déclarations et attestations de détachement seront bientôt entièrement dématérialisées. C’est ce que prévoit un décret du 29 juillet 2016 qui autorise à cette fin la création d’un système de traitement des données à caractère personnel.
Les employeurs établis à l’étranger détachant des salariés en France doivent souscrire une déclaration de détachement.
Actuellement, celle-ci peut être effectuée en ligne, mais ce n’est qu’une simple faculté. Avec la loi Macron, la dématérialisation de la déclaration de détachement devient obligatoire.
- A partir de quand ?
A compter du 1er octobre 2016, les employeurs établis à l’étranger qui détachent des salariés en France devront effectuer leur déclaration préalable de détachement sous forme dématérialisée. Les entreprises de transport terrestre devront le faire à compter du 1er janvier 2017. Attention cependant, un exemplaire papier de l’attestation devra être remis au salarié et conservé à bord du moyen de transport.
Jusqu’à ces dates, les déclarations et attestations de détachement peuvent toujours être transmises par lettre recommandée avec avis de réception ou télécopie.
Jusqu’au 31 décembre 2016 inclus, les formulaires d’attestation de détachement peuvent être téléchargés sur le site internet www.service-public.fr ou sur le site internet du Ministère du Travail.
- Que se passe-t-il si une déclaration a déjà été établie ?
Si, à la date d’entrée en vigueur du décret (1er août 2016), les salariés détachés font déjà l’objet d’une déclaration ou d’une attestation de détachement, ces documents restent valables.
En revanche, si les modalités d’exécution de la prestation ou les conditions de détachement sont modifiées, l’employeur doit établir une nouvelle déclaration ou attestation en ligne.
- Comment déclarer ?
Les déclarations et attestations de détachement devront être réalisées via « Sipsi » (système d’information sur les prestations de service internationales), le télé-service mis en place par le Ministère du Travail (www.sipsi.travail.gouv.fr).
Le décret liste les données pouvant être traitées (identité et coordonnées de l’entreprise qui détachent, du représentant de l’entreprise en France, des salariés détachés, adresse des lieux d’exercice des prestations, etc.).
Ces données sont conservées pendant cinq ans à compter de la fin de la prestation en France.
Attention, l’employeur doit penser à informer les personnes « autres que le déclarant » (en particulier les salariés détachés) de la transmission de leurs données personnelles, ainsi que leur droit d’accès et de rectification.
- Qui aura accès aux données télétransmises ?
Pourront accéder aux données transmises les agents de contrôle de l’inspection du travail, les agents des autorités étrangères, les agents de l’Etat chargés du contrôle des transports terrestres, les officiers et agents de police judiciaire, les agents des impôts et des douanes ainsi que les agents des organismes de sécurité sociale.
Les cotisants moins exposés au risque de majorations et pénalités de retard (Décret n° 2016-941 du 8 juillet 2016, JO du 10)
En cas de paiement tardif des cotisations et contributions à l’Urssaf, l’employeur est redevable d’une majoration de 5 % à laquelle s’ajoute une majoration complémentaire de 0,4 % par mois ou fraction de mois écoulé à compter de la date d’exigibilité des cotisations (CSS, art. R 243-18).
Il est également redevable de pénalités en cas de production tardive de ses déclarations auprès de l’Urssaf ou d’inexactitude ou d’omissions dans celles-ci (CSS, art. R 243-16) ou, pour les employeurs qui y sont tenus, de non-respect de l’obligation de dématérialiser les déclarations et paiements (CSS, art. L 133-5-5).
Ces majorations et pénalités peuvent, sous certaines conditions, faire l’objet d’une remise automatique (CSS, art. R 243-19-1) ou d’une remise sur demande (CSS, art. R 243-20 et R243-20-1).
Le décret du 8 juillet 2016 crée un droit à l’erreur et assouplit les conditions dans lesquelles une remise peut être obtenue.
- Un droit à l’erreur est institué
A compter du 1er janvier 2017, un droit à l’erreur sur les déclarations sociales est institué. En effet, sauf en cas d’omission de salariés dans la déclaration ou d’inexactitudes répétées du montant des rémunérations déclarées, aucune majoration ou pénalité ne sera appliquée si les conditions suivantes sont remplies :
- la déclaration rectifiée et son versement régularisateur sont adressés au plus tard lors de la première échéance suivant celle de la déclaration et du versement initial ;
- ce versement régularisateur est inférieur à 5% du montant total des cotisations initiales.
L’employeur qui sollicite une remise n’a plus à établir sa bonne foi
Si les conditions pour obtenir une remise automatique ne sont pas réunies, l’employeur peut, après avoir réglé les cotisations, formuler une demande de remise. Toutefois, jusqu’à présent, une telle remise ne pouvait être accordée si l’employeur n’avait pas dûment prouvé sa bonne foi ou si son absence de bonne foi avait été constatée lors d’un contrôle. Cette condition est supprimée depuis le 11 juillet 2016 de sorte que les employeurs qui sollicitent une telle remise n’ont plus à établir leur bonne foi.
En revanche, le travail dissimulé demeure une circonstance excluant toute remise au titre du montant des cotisations et contributions afférentes aux rémunérations réintégrées à la suite du constat d’une telle infraction.
Un événement prévisible mais irrésistible peut justifier une remise de la majoration de 0,4 %
Les cas dans lesquels la remise sur demande de la majoration complémentaire de 0,4 % est possible sont légèrement aménagés, les cas exceptionnels ou de force majeure étant remplacés, depuis le 11 juillet 2016, par les événements présentant un caractère irrésistible et extérieur.
JURISPRUDENCE
v Un système institutionnalisé de faux auto-entrepreneurs expose à de lourds redressements URSSAF (Cass. civ., 2e ch., 7 juillet 2016, n° 15-16110)
Le mécanisme des auto-entrepreneurs a connu un succès certain, mais qui n’a pas toujours été sans abus. Surtout lorsque les intéressés, initialement salariés de la société et passés ensuite sous statut d’auto-entrepreneur sont en réalité restés sous un lien de subordination, ainsi que le montre une affaire jugée le 7 juillet 2016 par la Cour de cassation.
Dans cette affaire, l’URSSAF de Paris avait redressé une société pour un montant de 1 337 538 € (dont 1 177 420 € de cotisations et 160 118 € de majorations de retard), après avoir réintégré dans l’assiette des cotisations les rémunérations versées à des formateurs « recrutés » sous le régime de l’auto-entrepreneur.
La société avait tenté de s’abriter derrière la présomption de non salariat prévue par le Code du travail au bénéfice des personnes physiques ou dirigeants de personnes morales, dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription sur les registres que ce texte énumère (RCS, répertoire des métiers, etc.).
Tout en précisant que cette présomption bénéficie aux personnes sous le statut d’auto-entrepreneur, la Cour précise qu’elle peut être détruite s’il est établi qu’elles fournissent directement ou par une personne interposée des prestations au donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci.
Au-delà de cette solution, l’intérêt de l’arrêt est d’illustrer les éléments que les juges du fond ont pris en compte, et qui pourront inciter certaines entreprises à la prudence :
– les DADS révélaient que plus de 40 % des formateurs salariés en 2008, avaient été recrutés sous le statut d’auto-entrepreneur au cours de l’année 2009, à la suite de l’entrée en vigueur de la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008, qui avait mis en place un cadre juridique de faveur ;
– ces formateurs « auto-entrepreneurs » étaient liés par un contrat « de prestations de services » à durée indéterminée pour des cours de soutien scolaire et animation de cours collectifs ;
– ils exerçaient leur activité au profit et dans les locaux de la société qui les partageait avec la société Acadomia, auprès d’élèves qui demeuraient pourtant sa clientèle exclusive ;
– les cours de rattrapage étaient dispensés selon un programme fixé par la société et remis aux professeurs lors de réunions pédagogiques de sorte que l’enseignant n’avait aucune liberté pour concevoir ses cours ;
– les contrats prévoyaient une « clause de non-concurrence » d’une durée d’un an après la résiliation du contrat de prestation interdisant aux formateurs de proposer leurs services directement aux clients présentés par la société et limitaient de ce fait l’exercice libéral de leur activité ;
– les contrats contenaient un mandat aux termes duquel l’auto-entrepreneur mandatait la société pour réaliser l’ensemble des formalités administrativesliées à son statut, émettre des factures correspondant au montant des prestations réalisées et effectuer en son nom les déclarations trimestrielles de chiffre d’affaires et le paiement des charges sociales et fiscales;
– si selon le contrat, le formateur est libre d’accepter ou non la prestation, force est de constater que ce contrat était conclu pour une durée indéterminée, de sorte que le formateur n’est pas un formateur occasionnel mais bien un enseignant permanent ;
– aucune modification des conditions d’exercice n’était intervenue dans l’activité des formateurs initialement salariés puis recrutés en tant qu’auto-entrepreneurs à compter de janvier 2009.
A noter : Au-delà des redressements de cotisations, il faut aussi prendre en compte les risques inhérents au travail dissimulé (sanctions pénales, notamment).
v Salarié protégé : incidence de la maladie survenue pendant une période de mise à pied conservatoire (CE, 29 juin 2016, n° 381766)
Dans l’attente de l’autorisation de l’inspecteur du travail, l’employeur qui envisage de licencier pour faute grave un salarié protégé peut recourir à une mesure de mise à pied conservatoire.
Le Code du travail enserre alors la procédure de demande d’autorisation dans des délais spécifiques:
– la consultation du CE doit avoir lieu dans les dix jours à compter de la date de la mise à pied ;
– la demande d’autorisation doit être présentée dans les 48 heures suivant sa délibération ;
– En l’absence de CE, la demande d’autorisation doit être présentée dans les huit jours suivant le prononcé de la mise à pied.
A la brièveté de ces délais, s’ajoute l’obligation pour l’employeur d’organiser la tenue de l’entretien préalable avant toute saisine de l’administration.
Une difficulté supplémentaire peut alors se présenter si le salarié protégé est placé en arrêt de travail pour maladie durant la période de mise à pied. L’employeur pourrait en effet être tenté de reporter la date de l’entretien préalable et, par suite, celle de la saisine de l’inspecteur du travail. C’est ce cas de figure qu’a précisément envisagé le Conseil d’Etat dans son arrêt du 29 juin 2016.
La Haute juridiction admet que l’employeur puisse, en raison de l’arrêt maladie, présenter sa demande d’autorisation au-delà des délais prescrits par la réglementation. Cependant, ce retard ne sera toléré que dans le cas où la maladie a rendu impossible la tenue de l’entretien préalable dans les délais prescrits ou si le report a été demandé par le salarié lui-même.
- · Report de l’entretien préalable à l’initiative de l’employeur
Un conseiller prud’homal avait été mis à pied à titre conservatoire le 22 août 2009, puis placé en arrêt pour maladie entre le 26 août et le 8 septembre 2009, soit quatre jours seulement après la date de la mise à pied. L’employeur avait alors pris l’initiative de repousser l’entretien préalable au 9 septembre 2009 et, en conséquence, la date à laquelle il devait adresser la demande d’autorisation à l’inspecteur du travail. Cette dernière avait été formée le 17 septembre 2009, soit 25 jours après la date de la mise à pied conservatoire, alors qu’en l’absence de CE, le délai applicable était en principe de huit jours.
En dépit du retard de saisine, l’inspecteur du travail a autorisé le licenciement.
- · Tolérance de principe en cas de non-respect du délai de présentation
Dans un premier temps, le Conseil d’Etat rappelle que « les délais, fixés par l’article R. 2421-14 du Code du travail […], dans lesquels la demande d’autorisation de licenciement d’un salarié mis à pied doit être présentée, ne sont pas prescrits à peine de nullité de la procédure de licenciement ».
L’employeur qui ne respecterait pas les délais prescrits n’est pas, pour autant, à l’abri de toute sanction. En effet, en toute hypothèse, « eu égard à la gravité de la mesure de mise à pied, [il] est tenu, à peine d’irrégularité de sa demande, de respecter un délaiaussi court que possible pour la présenter », ajoute l’arrêt. Il en résulte que « si l’inspecteur du travail constate, sous le contrôle du juge administratif, qu’un délai excessif s’est écoulé entre la mise à pied et sa saisine, il ne pourra autoriser le licenciement demandé sous peine d’entacher d’illégalité la décision ainsi délivrée ».
- · Incidence du report de l’entretien préalable en raison de la maladie
Le Conseil d’Etat poursuit son raisonnement, considérant « qu’à ce titre, la circonstance que l’employeur a décidé, en raison d’un arrêt de maladie du salarié survenu au cours de la période de mise à pied, de repousser la date de l’entretien préalable au licenciement et, par suite, celle à laquelle il adresse sa demande d’autorisation de licenciement à l’administration, n’est de nature à justifier un délai de présentation de sa demande excédant le délai requis en application de l’article R. 2421-14 que si la maladie a rendu impossible la tenue de l’entretien préalable dans ces délais, ou que le report a été demandé par le salarié lui-même ».
Cette position n’est pas sans rappeler la jurisprudence de la Cour de cassation, selon laquelle le report de l’entretien préalable en raison de la maladie du salarié entraîne le report du délai d’un mois pour notifier le licenciement disciplinaire à condition qu’il résulte, non pas de la seule initiative de l’employeur, mais d’une demande du salarié ou de l’impossibilité pour celui-ci de s’y rendre. Il faut en effet préciser que le congé maladie d’un salarié ne fait pas, en lui-même, obstacle à sa convocation à l’entretien préalable, qu’il ne suspend pas les délais de notification du licenciement disciplinaire et que l’employeur n’est d’ailleurs pas tenu de faire droit à une demande de report de l’entretien présentée par le salarié.
· Retard excessif dans la saisine de l’inspecteur du travail
Statuant sur le fond, le Conseil d’État a considéré que l’employeur avait bien méconnu le délai prévu par l’article R. 2421-14 du Code du travail en adressant la demande de licenciement 25 jours après le prononcé de la mise à pied conservatoire (au lieu de huit jours).
Ce retard de saisine de l’inspecteur du travail ne pouvait être justifié par le report de l’entretien préalable consécutif à l’arrêt maladie, dans la mesure où « ce report ne résultait ni d’une impossibilité tenant à l’état de santé du salarié ni d’une demande de celui-ci », le Conseil d’État soulignant que « l’intéressé [avait] même manifesté son refus d’un tel report ».
Malgré la tolérance permettant à l’employeur de saisir l’inspecteur du travail dans un délai aussi court que possible, le Conseil d’Etat a conclu, au vu du délai total de 25 jours, que « le délai de saisine de l’inspecteur du travail a, par suite, revêtu une durée excessive entachant d’irrégularité la procédure au terme de laquelle l’administration a autorisé le licenciement ».
En pratique : Lorsqu’un salarié protégé est placé en arrêt de travail pour maladie pendant une période de mise à pied conservatoire, l’employeur n’a pas d’intérêt à reporter l’entretien préalable de sa propre initiative si cette décision l’empêche de saisir l’administration d’une demande d’autorisation de licenciement dans les délais requis.
Sauf si la maladie a rendu impossible la tenue de l’entretien ou si le salarié a lui-même demandé le report, l’employeur risque de voir la demande d’autorisation retoquée par l’inspecteur du travail pour dépassement excessif du délai de saisine.
v La promesse d’embauche n’a pas à contenir toutes les mentions obligatoires du CDD (Cass. soc., 6 juillet 2016, n° 15-11138)
L’absence dans la promesse d’embauche d’une mention devant obligatoirement figurer dans un CDD ne peut pas entraîner la requalification de la relation de travail à durée déterminée en relation de travail à durée indéterminée.
Un salarié demandait la requalification de son contrat à durée déterminée (CDD) au motif que la promesse d’embauche qui lui avait été remise quelques semaines avant le début d’exécution de la relation de travail valait contrat mais ne mentionnait pas la qualification professionnelle de la personne qu’il devait remplacer.
Or, il s’agit de l’une des mentions obligatoires du CDD, fixées à l’article L 1242-12 du Code du travail, dont le défaut entraîne effectivement sa requalification en contrat à durée indéterminée.
Cette mention figurait bien en revanche dans un document daté du premier jour d’exécution de la relation de travail à durée déterminée, que l’employeur estimait être le contrat de travail mais que le salarié analysait comme une régularisation de la promesse d’embauche lui étant inopposable.
La Cour de cassation juge, pour la première fois à notre connaissance, que les dispositions de l’article L 1242-12 du Code du travail, déterminant les mentions obligatoires du CDD, ne sont pas applicables à une promesse d’embauche. Relevant que le document établi le premier jour d’exécution du contrat de travail était signé par le salarié, elle en déduit que l’indemnité de requalification ne lui était pas due.
Remarque : Cette solution n’aurait bien entendu pas été retenue si aucun CDD n’avait été régulièrement conclu après la promesse d’embauche.
v Faute grave reconnue malgré l’ancienneté sans faute du salarié pendant des années (Cass. soc., 13 juillet 2016, n° 15-16458)
Lorsque le comportement d’un salarié est fautif, le fait qu’il ne lui ait été fait aucun reproche pendant des années n’empêche pas de procéder à un licenciement pour faute grave.
- · Faute grave du salarié : son maintien dans l’entreprise est impossible
L’employeur peut sanctionner des fautes d’origine disciplinaire ou professionnelle. Il lui appartient alors de qualifier l’importance de la faute.
La faute grave est, pour les juges, celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise compte tenu de l’importance de la violation des obligations inhérentes à son contrat de travail ou aux relations de travail (un ou plusieurs faits.
En conséquence, le licenciement se fait sans préavis et l’employeur choisit même parfois de recourir à une mise à pied conservatoire durant la procédure.
- · Appréciation au cas par cas de la gravité de la faute
En pratique, l’employeur apprécie l’ampleur de la faute du salarié et, en cas de contentieux, il lui faut démontrer, avec objectivité, que les agissements du salarié étaient bel et bien fautifs.
Il va qualifier la faute en fonction d’éléments propres au salarié, dont certains peuvent l’aggraver, par exemple son niveau de responsabilité et d’autres l’atténuer, par exemple son comportement antérieur ou son ancienneté.
Cela peut l’amener à individualiser les mesures disciplinairesprises et à sanctionner différemment des salariés ayant participé à une même faute.
En l’espèce, la salariée faisait valoir, pour contester la faute grave, « qu’elle avait une très grande ancienneté (plus de 20 ans) et que tout au long de sa carrière, elle avait donné entière satisfaction à son employeur ».
Mais les juges ont retenu que le management de son équipe était fautif (harcèlement…) et qu’il relevait bien de la faute grave. Ce comportement, qui avait persisté malgré deux avertissements, caractérisait une faute grave et rendait impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise, malgré son ancienneté.
v Entretien préalable à un licenciement disciplinaire : la CCN des ingénieurs et cadres de la métallurgie n’est pas plus favorable que le Code du travail (Cass. soc., 11 juillet 2016, n° 14-22651)
Des dispositions conventionnelles peuvent ajouter des étapes à la procédure disciplinaire légale.
Ainsi, lorsqu’elles instituent des garanties de fond, leur non-respect invalide le licenciement. Pour la Cour de cassation, les dispositions de la CCN des ingénieurs et cadres de la métallurgie relatives à l’entretien préalable à un licenciement disciplinaire n’apportent pas une garantie supplémentaire aux salariés.
- · Que dit le Code du travail, que prévoit la CCN ?
Côté Code du travail, l’employeur qui envisage de licencier un salarié doit le convoquer, avant toute décision, à un entretien préalable (CT, art. L. 1232-2).
Au cours de cet entretien, l’employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié (CT, art. L. 1232-3).
Le salarié peut s’y faire assister (CT, art. L. 1232-4) :
– en présence de d’institutions représentatives du personnel, par une personne de son choix appartenant au personnel ;
– en leur absence, soit par une personne de son choix appartenant au personnel, soit par un conseiller extérieur.
Côté CCN des ingénieurs et cadres de la métallurgie (art. 27, al. 2), il est prévu qu’« aucun licenciement, même pour faute grave, ne peut être confirmé sans que l’intéressé ait été, au préalable, mis à même d’être entendu, sur sa demande, par l’employeur ou son représentant responsable ».
- · Affaire relative à un licenciement pour faute lourde
Le salarié avait été convoqué à un entretien préalable au cours duquel il avait été entendu, assisté d’un autre salarié, puis il avait été licencié pour faute lourde.
Il contestait la régularité et le bien-fondé de son licenciement car l’employeur n’aurait pas respecté les dispositions de la CCN évoquées ci-avant. Selon lui, l’employeur aurait dû mentionner la faculté prévue par les dispositions conventionnelles en question dans la lettre de convocation à l’entretien préalable. Il s’agissait, pour lui, d’une garantie de fond dont le non-respect privait son licenciement de cause réelle et sérieuse.
Pour la Cour de cassation, la CCN des ingénieurs et cadres du 13 mars 1972 prévoyant la faculté pour le salarié d’être entendu, sur sa demande, par l’employeur avant que son licenciement ne lui soit confirmé par écrit, n’institue pas une protection des droits de la défense supérieure à celle prévue par la loi n° 73-680 du 13 juillet 1973 qui a créé l’obligationpour l’employeur envisageant de licencier un salarié de le convoquer, avant toute décision, à un entretien préalable. Le licenciement ne pouvait donc pas être jugé comme étant sans cause réelle et sérieuse.
En pratique : L’audition du salarié organisée par la CCN et l’entretien préalable imposé par le Code du travail ont le même objet : permettre au salarié de s’expliquer sur les faits qui lui sont reprochés. Il est donc que ces deux formalités ne se cumulent pas.
v Un salarié peut-il faire du co-voiturage avec son véhicule professionnel ? (Cons. prud. De Nantes, 4 juillet 2016, n° 15/00408)
En l’absence de communication formelle de l’employeur sur le sujet, un salarié pourrait faire du covoiturage avec son véhicule de fonction sous certaines conditions.
Le conseil de prud’hommes de Nantes a invalidé le licenciement pour faute d’un salarié qui prenait des passagers en covoiturage avec son véhicule professionnel, mais reversait les sommes perçues à des œuvres caritatives.
- · Un licenciement fondé sur les termes du contrat d’assurance automobile
En l’espèce, l’employeur estimait que le salarié se livrait à du transport à titre onéreux, non couvert par le contrat d’assurance automobile de la société. Il exposait donc l’entreprise à un risque juridique en cas de sinistre.
Mais pour les juges, la qualification de transport onéreux apparaissait discutable du fait que l’intéressé ne conservait pas l’argent versé par les passagers. Son profil sur le site de covoiturage précisait le nom des associations bénéficiaires de ses dons, attestés par plusieurs justificatifs.
Les faits ne permettent toutefois pas de savoir si la voiture de fonction avait été confiée au salarié pour un usage professionnel et privé ou uniquement professionnel. Dans le second cas, la faute aurait pu être retenue à son encontre.
- · L’employeur n’avait jamais formellement interdit cette pratique
Par ailleurs, ni le règlement intérieur de l’entreprise, ni la note d’utilisation des véhicules de fonction interne à l’entreprise ne se prononçaient formellement sur la possibilité ou non pour les salariés d’effectuer du covoiturage, avec ou sans contrepartie financière. L’employeur n’avait jamais communiqué sur le sujet, estimant que l’interdiction du covoiturage relevait du « bon sens », argument qui n’a pas séduit le conseil de prud’hommes.
Remarque : Face au développement de cette pratique, les entreprises auraient donc tout intérêt à clarifier explicitement ce point lorsqu’elles sont amenées à confier à leurs salariés des véhicules de fonction.
v Rupture conventionnelle : ne remettez pas les documents de fin de contrat avant l’homologation du DIRECCTE (Cass. soc., 6 juillet 2016, n° 14-20323)
Un employeur avait signé avec un salarié une rupture conventionnelle le 30 avril 2009. Le 5 juin, sans avoir encore confirmation que cette rupture serait homologuée par l’administration, l’employeur avait remis au salarié les documents de fin de contrat (reçu pour solde de tout compte et attestation Pôle Emploi). Le 8 juin, l’administration a notifié son refus d’homologation.
Dans ces circonstances, l’employeur a considéré que le contrat n’était pas rompu et a mis en demeure le salarié de reprendre ses fonctions.
Celui-ci ne l’ayant pas fait, il l’a licencié pour abandon de poste le 19 octobre suivant. De son côté, le salarié soutenait que le défaut d’homologation produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Quand avait finalement eu lieu la rupture du contrat de travail et quels étaient ses effets ?
Aux yeux de la Cour de cassation, la rupture a eu lieu lors de la remise des documents de fin de contrat au salarié. Cette remise ayant eu lieu avant la décision du DIRECCTE relative à l’homologation de la rupture conventionnelle, elle s’analysait en un licenciement non motivé et donc sans cause réelle et sérieuse.
Il ressort de cette décision que l’employeur ne doit surtout pas remettre le reçu pour solde de tout compte et l’attestation Pôle Emploi au salarié avant d’avoir confirmation que la rupture conventionnelle est bien homologuée par l’administration.
Pour rappel, le DIRECCTE a 15 jours ouvrables pour se prononcer après avoir reçu la demande d’homologation. Passé ce délai, l’absence de décision explicite vaut homologation.