Informations sociales – Octobre 2016 (Lex-Part)

- Social

I – Le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu

Adopté en Conseil des ministres le 28 septembre 2016, le projet de budget 2017 engage la réforme du paiement de l’impôt sur le revenu (IR). Pour les employeurs, elle prendra la forme d’une retenue à la source au fur et à mesure du paiement des salaires.

A compter des revenus de l’année 2018, le prélèvement à la source (PAS) devrait être effectif. En d’autres termes, dès l’établissement de la paie de janvier 2018, les entreprises devraient appliquer ce nouveau prélèvement, des dispositions particulières s’appliquant toutefois si l’employeur utilise un titre emploi simplifié.

  • Une ligne supplémentaire sur le bulletin de salaire

Les revenus imposables à l’IR (salaires, notamment) donneraient lieu, l’année au cours de laquelle le salarié contribuable en a la disposition, à un prélèvement qui prendra la forme d’une retenue à la source effectuée par le débiteur (en l’occurrence, l’employeur) lors du paiement de ces revenus.

La retenue serait calculée en appliquant aux revenus un taux de prélèvement (qui pourrait être modifié sur demande du contribuable ou encore individualisé au sein des couples). Ce taux serait déterminé par l’administration, communiqué au salarié et transmis à l’employeur. Lorsque l’administration fiscale ne pourrait transmettre ce taux, il serait appliqué un taux « par défaut » proportionnel (de 0 % à 43 %) déterminé selon des tranches de rémunérations mensuelles (autrement désignée comme « grille de taux neutres »). Ce taux par défaut pourrait également être choisi par le salarié qui voudrait préserver la confidentialité des revenus de son foyer vis-à-vis de son employeur.

Le bulletin de paie comporterait de fait une ligne supplémentaire, celle relative au montant du prélèvement à la source.

  • DSN et versement mensuel ou trimestriel au Trésor

Le tiers collecteur (l’employeur) devrait procéder à la collecte et au versement du prélèvement à la source par le biais de la DSN. Il devrait également déclarer chaque mois à l’administration fiscale des informations relatives au montant prélevé sur le revenu versé au salarié par le biais de la DSN.

L’employeur appliquerait le taux calculé par l’administration fiscale au plus tard le deuxième mois suivant sa transmission. A défaut de transmission, le taux appliqué serait le taux par défaut.

La périodicité du versement du prélèvement à la source dépendrait de l’effectif de l’entreprise :

–          pour les employeurs de 11 salariés et plus, le versement serait nécessairement mensuel (et interviendrait en principe le mois suivant celui au cours duquel a eu lieu le prélèvement) ;

–          par dérogation, l’employeur de moins de 11 salariés pourrait opter (dans des conditions fixées par décret) pour un règlement trimestriel.

  • Sanctions encourues par l’employeur

Plusieurs motifs de sanctions sont détaillés pour garantir la mise en œuvre effective du dispositif :

–          Retard de paiement : l’employeur qui n’aurait pas payé la retenue à la source dans les délais légaux s’exposerait à une majoration de retard au taux de 5 %.

–          Insuffisance de la retenue à la source ou de déclarations : les infractions à l’obligation d’effectuer la retenue à la source de l’impôt sur le revenu entraîneraient l’application d’une amende (avec un minimum de 500 € par déclaration) d’un montant de :

– 5 % des retenues qui auraient dû être effectuées ou déclarées, en cas d’omissions ou d’inexactitudes ;

– 10 % des retenues qui auraient dû être effectuées ou déclarées, en cas de non-dépôt de la déclaration dans les délais prescrits ;

– 40 % des retenues qui auraient dû être effectuées ou déclarées, en cas de non-dépôt de la déclaration dans les 30 jours suivant une mise en demeure ou d’inexactitudes ou d’omissions délibérées ;

– 80 % des retenues qui ont été effectuées mais délibérément non déclarées et non versées au comptable public.

–          Défaut de reversement de la retenue à la source : l’employeur qui n’aurait ni déclaré ni versé au comptable public les retenues qu’il a effectuées serait passible d’une amende de 9 000 € et d’une peine de prison de cinq ans, si le retard excède un mois.

–          Violation du secret professionnel : l’employeur qui contreviendra intentionnellement au secret professionnel (qui divulguerait le taux applicable au salarié, par exemple) sera puni d’une peine de prison de cinq ans et de 300 000 € d’amende.

 

II- Nouvelle circulaire sur les dérogations aux travaux interdits pour les jeunes de 15 à moins de 18 ans (Instr. intermin. n° 2016-273 du 7 septembre 2016)

Un certain nombre de travaux sont interdits ou réglementés pour les jeunes travailleurs et jeunes en formation professionnelle âgés d’au moins 15 ans et de moins de 18 ans (art. D. 4153-15 à D. 4153-37).

Des dérogations sont néanmoins possibles pour certains travaux (ex. : travaux exposant à des agents chimiques dangereux, travaux exposant à des rayonnements, travaux temporaires en hauteur, etc.).

Une instruction interministérielle du 7 septembre 2016 vient remplacer, à cet égard, la circulaire DGT n° 2013-11 du 23 octobre 2013.

Cette nouvelle circulaire s’inscrit dans le prolongement de la simplification de la procédure de dérogation aux travaux réglementés pour les jeunes mises en œuvre par deux décrets de 2015 (décrets n° 2015-443 et 2015-444 du 17 avril 2015, JO du 19).

Elle détaille :

–          dans une annexe 1, la procédure de dérogations aux travaux interdits aux jeunes de 15 à moins de 18 ans composée de 5 fiches (champ d’application, procédure de dérogation aux travaux interdits, obligations à remplir par le chef d’établissement et par l’employeur pour pouvoir affecter des jeunes à des travaux réglementés, mesures transitoires, dérogations individuelles) ;

–          dans une annexe 2, la présentation détaillée les travaux réglementés en 14 fiches.

 

III-  Saisie des rémunérations : nouveau montant de la fraction totalement insaisissable au 1er septembre 2016 (Décret n° 2016-1276 du 29 septembre 2016, JO du 30)

Lors d’une procédure de saisie des rémunérations, le créancier saisissant doit toujours laisser à la disposition du salarié une fraction de sa rémunération égale à la partie forfaitaire du revenu de solidarité active (RSA) pour un foyer composé d’une seule personne (art. R. 3252-5). L’application du barème de saisie
(art. R. 3252-2), ni même une procédure de paiement direct de pension alimentaire, ne peut conduire à passer sous ce montant plancher.

Le montant forfaitaire mensuel du RSA pour un allocataire est revalorisé de 2 % et passe de 524,68 € à 535,17 € (décret n° 2016-1276 du 29 septembre 2016, JO du 30). Ce nouveau montant s’applique aux allocations dues au titre de septembre 2016 et des mois suivants.

Les obligations des entreprises en matière de vestiaires et de restauration bientôt allégées (Décret n° 2016-1331 du 6 octobre 2016, JO du 8)

Un décret du 6 octobre 2016 modifie, à compter du 1er janvier 2017, le régime relatif à la mise à disposition de vestiaires pour instaurer un cadre réglementaire adapté aux activités ne nécessitant pas le port d’une tenue de travail spécifique. Il remplace également la procédure d’autorisation de l’inspecteur du travail par une procédure de déclaration en ce qui concerne l’emplacement de restauration dans les établissements où moins de 25 salariés désirent prendre habituellement leur repas sur les lieux de travail.

  • Mise à disposition d’un local séparé à usage de vestiaire

En principe, l’employeur doit mettre à la disposition des salariés des vestiaires collectifs équipés d’armoires individuelles dans un local spécial de surface convenable, isolé des locaux de travail et de stockage (art. R. 4228-2, al. 1).

Le décret adapte cette obligation aux activités ne nécessitant pas le port de vêtements de travail spécifiques ou d’équipements de protection individuelle. En lieu et place des vestiaires collectifs, l’employeur pourra ainsi mettre à la disposition des salariés exerçant une activité ne nécessitant pas le port d’une tenue de travail spécifique un meuble de rangement sécurisé, dédié à leurs effets personnels, placé à proximité de leur poste de travail.

  • Emplacement pour se restaurer sur les lieux de travail

Selon l’article R. 4228-23 du Code du travail, dans les établissements où moins de 25 salariés désirent prendre habituellement leur repas sur les lieux de travail, l’employeur est tenu de mettre à leur disposition un emplacement leur permettant de se restaurer dans de bonnes conditions de santé et de sécurité.

L’employeur peut aménager cet emplacement dans les locaux affectés au travail à une double condition : d’une part, l’activité de ce local ne doit pas comporter l’emploi de substances ou de préparations dangereuses et d’autre part, l’employeur doit obtenir l’autorisation à l’inspecteur du travail et recueillir l’avis du médecin du travail.

Le décret du 6 octobre 2016 remplace, à compter du 1er janvier 2017, cette procédure d’autorisation de l’inspecteur du travail par une procédure de déclaration. Ainsi, avant d’aménager un tel emplacement, l’employeur devra simplement adresser une déclaration à l’agent de contrôle de l’inspection du travail et au médecin du travail par tout moyen conférant date certaine.

 

JURISPRUDENCE

*  Les conséquences indemnitaires d’une prise d’acte produisant les effets d’un licenciement abusif (Cass. soc.,
14 septembre 2016, n° 14-16663)

En cas de prise d’acte de la rupture du contrat produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le juge ne peut pas limiter le montant de l’indemnité compensatrice de préavis due au salarié au motif qu’il a rapidement retrouvé du travail.

Lorsque les griefs invoqués par le salarié à l’appui de la prise d’acte de la rupture de son contrat sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite de la relation de travail, celle-ci produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans ce cas, selon une jurisprudence bien établie, le salarié qui en fait la demande a droit à l’indemnité de préavis et aux congés payés y afférents, à l’indemnité de licenciement ainsi qu’aux dommages et intérêts auxquels il aurait eu droit en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 28 septembre 2011, n° 09-67510).

Seule l’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ne lui est pas due (Cass. soc., 6 mai 2015, n° 13-28803).

Ces règles ne sauraient connaître d’exception. Elles viennent d’être rappelées par la Cour de cassation.

Cette dernière a censuré en conséquence un arrêt d’une cour d’appel qui avait, à tort, limité le montant de l’indemnité compensatrice de préavis, au motif que le salarié avait été embauché par un nouvel employeur quelques jours seulement après sa prise d’acte.

 

Un licenciement économique peut être préparé pendant le congé de maternité (Cass. soc., 14 septembre 2016, n° 15-15943)

Ne constitue pas une mesure préparatoire au licenciement prohibée pendant le congé de maternité, le fait pour l’employeur de proposer à la salariée des postes de reclassement préalables à un licenciement collectif pour motif économique.

Une salariée est informée par l’employeur, pendant son congé de maternité, que la société va mettre en œuvre un projet de restructuration impliquant la suppression de son poste, et qu’un plan de sauvegarde de l’emploi a été soumis au comité d’entreprise. L’employeur propose à l’intéressée deux emplois de reclassement qui pourraient lui convenir. Propositions refusées par la salariée, qui est licenciée pour motif économique après expiration de son congé de maternité.

La salariée soutient que son licenciement est nul pour avoir été préparé pendant ce congé, en violation de l’article L 1225-4 du Code du travail.

Mais pour les juges du fond, approuvés par la Cour de cassation, il n’en est rien. Il ne saurait en effet être reproché à l’employeur d’avoir pris, pendant le congé de maternité, des mesures tendant à reclasser l’intéressée et à éviter son licenciement.

La Cour précise ainsi la notion de mesures préparatoires au licenciement prohibées pendant le congé de maternité. Ne peuvent être mises en œuvre les mesures visant à évincer la salariée en raison de sa maternité : ainsi jugé à propos du recrutement d’un autre salarié pendant ce congé en vue de remplacer définitivement la jeune mère, le nom de son remplaçant figurant sur l’organigramme de la société (Cass. soc., 15 septembre 2010, n° 08-43299).

En revanche, le congé de maternité ne peut pas faire obstacle à l’engagement d’une procédure de licenciement collectif pour motif économique, comme c’était le cas en l’espèce. Il a déjà été décidé, par exemple, que la réorganisation de l’entreprise portée à la connaissance de la salariée avant son départ en congé et ayant donné lieu à plusieurs propositions de postes, toutes refusées par l’intéressée, n’est pas une mesure préparatoire illicite (Cass. soc., 10 février 2016, n° 14-17576).

 

Accusations de harcèlement moral : le salarié n’encourt aucune poursuite pour diffamation (Cass. civ. 1ère, 28 septembre 2016, n° 15-21823)

Dans un arrêt du 28 septembre 2016, la Cour de cassation écarte toute possibilité d’engager des poursuites pour diffamation à l’encontre d’un salarié ayant dénoncé des agissements de harcèlement moral. La mauvaise foi du salarié permettra en revanche d’agir sur le fondement de la dénonciation calomnieuse.

En droit du travail, les salariés qui relatent des faits de harcèlement moral, bénéficient d’une quasi-immunité puisque, sous la seule réserve jurisprudentielle de la mauvaise foi, il est interdit à l’employeur de prendre une quelconque sanction à ce titre, à peine de nullité (art. L. 1152-2).

La première chambre civile vient de compléter utilement ce dispositif protecteur en écartant également toute possibilité de représailles sur le terrain de la diffamation. Dans un arrêt de principe, elle explique en effet que l’éventualité de telles poursuites aurait pour conséquence d’entraver l’effectivité du droit de dénoncer un harcèlement moral, en dissuadant notamment les victimes d’alerter leur employeur.

Si la mauvaise foi du salarié est établie, ce qui suppose la connaissance de la fausseté des faits dénoncés, rien n’empêche en revanche d’agir sur le terrain de la dénonciation calomnieuse.

 

La date d’effet de la résiliation judiciaire d’un contrat de travail est antérieure à la décision des juges si le salarié a un nouvel emploi (Cass. soc., 21 septembre 2016,
n° 14-30056)

Un salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur si ce dernier a commis une faute faisant obstacle à la poursuite des relations contractuelles.

Si les juges estiment la demande fondée, la date d’effet de la résiliation est en principe fixée au jour de la décision qui la prononce. Mais il faut, pour cela, que le contrat de travail n’ait pas été rompu et que le salarié soit toujours au service de son employeur à ladite date.

Pour la première fois, la Cour précise que lorsque le salarié a retrouvé un nouvel emploi avant la date du prononcé de la résiliation judiciaire, la résiliation prend alors effet au jour où les juges constatent que le salarié bénéficie d’un nouveau contrat de travail auprès d’un autre employeur. Cette solution est dans la logique de la jurisprudence de la Cour de cassation.

Le moment où l’on se place pour fixer la date d’effet de la résiliation judiciaire a notamment des effets sur le calcul des indemnités et des salaires dus au salarié.

Dans cette affaire, la salariée reprochait aux juges d’appel d’avoir prononcé la résiliation de son contrat de travail à une date antérieure à celle de la décision judiciaire et d’avoir ainsi limité la condamnation de son employeur à lui payer diverses indemnités. Mais cette salariée n’était plus à la disposition de son employeur à compter de la date litigieuse dès lors qu’elle bénéficiait d’un nouveau contrat de travail à ce moment-là.

 

Pour calculer le montant d’une activité sociale et culturelle reprise par le comité d’entreprise, il faut inclure la TVA (Cass. soc., 21 septembre 2016, n° 14-25847)

Le comité d’entreprise dispose, par principe, du monopole de gestion des activités sociales et culturelles (ASC) dans l’entreprise (art. L. 2323-83).

Toutefois, le CE peut décider de confier à l’employeur la gestion d’une ou de plusieurs activités sociales.

En cas de reprise par le CE de la gestion d’une activité sociale assurée jusqu’alors par l’employeur, le CE est en droit de revendiquer le versement des sommes consacrées à cette activité.

Mais faut-il calculer la contribution à partir des sommes réellement affectées par l’employeur à cette dépense sociale ou tenir compte des sommes facturées à l’employeur par les prestataires de l’activité, c’est-à-dire TVA comprise ?

Il faut tenir compte de la totalité des dépenses sociales liées à l’activité sociale reprise, c’est-à-dire qu’il faut inclure la TVA afférente à ces dépenses.

Dans cette affaire, le transport des salariés de l’entreprise avait fait l’objet d’un transfert de gestion au CE de cette activité jusqu’alors assurée et financée par l’employeur. Le comité d’établissement concerné avait donc sollicité le versement de la contribution de l’employeur liée à cette activité sociale de transport. L’employeur en contestait toutefois le montant global réclamé au titre des dépenses de transport, qui incluait la TVA.

Remarque : cette décision doit être comprise sous un éclairage fiscal. En effet, le CE ne récupère pas la TVA versée. Si celui-ci veut maintenir à l’identique la prestation transport, il devra disposer de toute l’enveloppe, TVA comprise, qui y était jusqu’à présent consacrée.

 

L’employeur ne peut pas dénier à un directeur général délégué sa qualité de DP s’il n’a pas contesté son élection (Cass. soc., 28 septembre 2016, n° 15-13728)

Un employeur avait licencié pour motif personnel un directeur général délégué. Or, ce salarié était par ailleurs titulaire d’un mandat de délégué du personnel suppléant et l’employeur n’avait pas sollicité au préalable l’autorisation de l’inspection du travail de rompre le contrat.

Visée par une action en dommages et intérêts pour violation du statut protecteur, la société soutenait que les fonctions de l’intéressé étaient incompatibles avec un mandat de DP. Rappelons en effet que les cadres peuvent se présenter aux élections, mais à condition de ne pas détenir sur un service, un département ou un établissement de l’entreprise une délégation particulière d’autorité établie par écrit permettant de les assimiler à un chef d’entreprise.

Pour la cour d’appel, le salarié exerçait effectivement des fonctions de dirigeant et avait à l’égard du personnel les prérogatives et les pouvoirs de l’employeur, de sorte qu’il ne pouvait pas exercer concomitamment des fonctions de représentant du personnel.

Cette décision est néanmoins cassée, car pour la Cour de cassation, les fonctions exercées par le cadre dirigeant n’entrent pas en considération.

Il suffisait de constater que l’employeur n’avait pas contesté l’élection du cadre dirigeant dans les 15 jours, comme le prévoit le contentieux des élections professionnelles (art. R. 2324-24), pour en déduire que les résultats électoraux étaient définitifs et que le mandat de DP était acquis à l’intéressé.

La procédure protectrice, avec demande d’autorisation auprès de l’inspection du travail, aurait donc dû être respectée.

 

Reclassement d’un salarié inapte en cas d’appartenance à un réseau de grande distribution (Cass. soc., 22 septembre 2016, n° 15-13849)

Un commerçant indépendant appartenant à un réseau doit chercher à reclasser un salarié déclaré physiquement inapte dans les autres entreprises du réseau avec lesquelles une permutation du personnel est possible.

Le salarié d’une entreprise exploitant un commerce sous l’enseigne « E. Leclerc » est déclaré inapte par le médecin du travail à tout poste dans l’entreprise, mais apte à un poste d’employé commercial dans tous les autres magasins de l’enseigne. L’employeur ne prend contact avec aucun autre magasin, et licencie le salarié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.

Pour justifier la procédure suivie, l’employeur met en avant son statut de commerçant indépendant. Son magasin est une structure autonome, n’appartenant pas à un groupe de sociétés, mais seulement à un réseau de distribution. Il en déduit que le périmètre de recherche de reclassement du salarié physiquement inapte est restreint à son magasin. Pour l’employeur, en préconisant un reclassement au sein du réseau « E. Leclerc », le médecin du travail a excédé ses pouvoirs, car il a suggéré un reclassement externe à l’entreprise.

La Cour de cassation ne retient pas cette analyse. D’une part, l’avis d’inaptitude physique délivré par le médecin du travail n’ayant pas été contesté, il s’imposait aux parties. D’autre part, le critère déterminant pour fixer le périmètre de reclassement d’un salarié n’est pas le statut juridique de l’employeur, mais la possibilité de permutation de personnel (Cass. soc., 10 décembre, 2014, n° 13-18679, à propos de sociétés franchisées).

En l’espèce, l’employeur n’ayant pas démontré son impossibilité d’assurer une permutation du personnel avec d’autres entreprises appartenant au même réseau de distribution et ayant des activités, des objectifs et des emplois identiques, il a manqué à son obligation de reclassement.

 

Licenciement pour inaptitude : autorisation refusée en cas de lien avec le mandat (CE, 21 septembre 2016, avis n° 396887, JO 7/10)

Bien que l’inspecteur du travail n’ait pas à rechercher la cause de l’inaptitude d’un salarié protégé, s’il apparaît que cette inaptitude est en lien direct avec des obstacles mis par l’employeur à l’exercice du mandat, aucune autorisation de licenciement ne pourra être valablement délivrée.

Le seul fait pour l’employeur d’être en possession d’un avis d’inaptitude ne garantit pas que l’inspecteur du travail accordera l’autorisation de licenciement du salarié protégé. S’il apparaît en effet que le licenciement pour inaptitude est en rapport avec les fonctions représentatives, l’inspecteur du travail devra refuser de délivrer l’autorisation de licencier. Tel sera le cas, d’après un avis rendu le 21 septembre 2016 par le Conseil d’Etat et publié au Journal officiel du 7 octobre 2016, si l’inaptitude résulte d’une dégradation de l’état de santé en lien direct avec des obstacles mis par l’employeur à l’exercice des fonctions représentatives.

Le Conseil d’Etat était saisi, pour avis, par le tribunal administratif de Nantes de la question suivante :
« L’inspecteur du travail, saisi d’une demande d’autorisation de licenciement pour inaptitude physique d’un salarié protégé, doit-il refuser le licenciement comme étant en rapport avec les fonctions représentatives, lorsque l’inaptitude résulte d’une dégradation de son état de santé en lien direct avec les difficultés mises par son employeur à l’exercice des fonctions » ?

La question est plus complexe qu’il n’y paraît car elle suppose de concilier deux principes régissant le champ du contrôle opéré par l’administration saisie d’une demande d’autorisation de licenciement :

– le premier principe, consacré par les textes et régulièrement rappelé par la jurisprudence quel que soit le motif de licenciement invoqué, concerne le contrôle de l’absence de lien avec le mandat : aucun licenciement « en lien » ou « en rapport » avec les fonctions représentatives ou l’appartenance syndicale d’un salarié protégé, ne peut en effet être autorisé par l’inspecteur du travail. En l’espèce, le lien entre le licenciement et le mandat pourrait être considéré comme établi lorsque l’inaptitude résulte d’une dégradation de l’état de santé causée par les différents obstacles mis par l’employeur à l’exercice du mandat (par exemple, le non-paiement des heures de délégation, le refus d’autorisation d’absence, etc.) ;

– le second principe, spécifique au licenciement pour inaptitude, porte sur la question du contrôle des causes de l’inaptitude : l’inspecteur du travail saisi d’une demande d’autorisation n’a pas à rechercher ou contrôler la cause de l’inaptitude. Il a ainsi été jugé que l’inspecteur du travail peut autoriser un licenciement pour inaptitude qui trouverait sa cause dans un harcèlement moral, à charge pour le salarié de faire valoir devant le juge judiciaire les droits afférents à cette situation de harcèlement en formant, à l’encontre de l’employeur, une demande d’indemnisation, voire d’annulation du licenciement (CE, 20 novembre 2013, n° 340591 et Cass. soc., 27 novembre 2013, n° 12-20301).

Cette jurisprudence de 2013 pose une difficulté d’application : si l’inspecteur du travail n’a pas à rechercher la cause de l’inaptitude, conserve-t-il la possibilité de vérifier que le licenciement, et donc l’inaptitude, n’est pas en rapport avec le mandat ou les fonctions représentatives ? A cet égard, le Conseil d’État confirme non seulement que cette voie de contrôle demeure en cas de licenciement pour inaptitude, mais également que l’inspecteur du travail doit refuser l’autorisation si l’existence d’un lien direct entre l’inaptitude et des obstacles posés à l’exercice du mandat est caractérisée.

L’avis du 21 septembre 2016 affirme ainsi qu’ « il appartient en toutes circonstances à l’autorité administrative de faire obstacle à un licenciement en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par un salarié ou avec son appartenance syndicale. Par suite, même lorsque le salarié est atteint d’une inaptitude susceptible de justifier son licenciement, la circonstance que le licenciement envisagé est également en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l’intéressé ou avec son appartenance syndicale fait obstacle à ce que l’administration accorde l’autorisation sollicitée. Le fait que l’inaptitude du salarié résulte d’une dégradation de son état de santé, elle-même en lien direct avec des obstacles mis par l’employeur à l’exercice de ses fonctions représentatives est à cet égard de nature à révéler l’existence d’un tel rapport ».

En clair, l’inspecteur du travail sera tenu de refuser son autorisation si l’inaptitude est liée à un comportement fautif de l’employeur ayant consisté à faire obstacle à l’exercice des fonctions représentatives. Dans ce cas, le licenciement est en rapport avec le mandat, ce qui empêche toute délivrance de l’autorisation. Si l’autorisation est malgré tout délivrée, le salarié pourra en obtenir l’annulation.

Cette position permet d’atténuer les effets de la jurisprudence administrative de 2013 en vertu de laquelle, l’administration n’a pas à contrôler la cause de l’inaptitude et pourrait donc accorder une autorisation de licenciement même si l’inaptitude a pour origine un harcèlement moral. L’inspecteur du travail ne disposerait manifestement plus de cette faculté si le harcèlement s’est traduit par des obstacles à l’exercice des fonctions représentatives, lesquels auraient conduit à la dégradation de l’état de santé. Il serait en effet tenu de refuser l’autorisation de licenciement, en raison du lien avec le mandat.

 

Signature de l’avenant de renouvellement du CDD avant l’arrivée du terme initial (Cass. soc., 5 octobre 2016, n° 15-17458)

Un arrêt rendu le 5 octobre 2016 rappelle les règles à suivre pour renouveler un CDD lorsque les conditions de ce renouvellement n’ont pas été précisément fixées lors de la conclusion du contrat : la rédaction d’un avenant est alors obligatoire et, à peine de requalification, celui-ci doit être conclu avant le terme initialement prévu.

Le formalisme entourant la conclusion du CDD se retrouve à l’étape du renouvellement du contrat. La législation offre en effet une option aux parties : soit les conditions de renouvellement ont été fixées dès l’origine par une clause spécifique du contrat, auquel cas ce sont ces modalités qui devront être suivies, soit le contrat ne prévoit rien et il faut alors recourir à un avenant « soumis » au salarié avant le terme initialement prévu (art. L. 1243-13).

La Cour de cassation a toujours appliqué strictement cette exigence d’un écrit en imposant que celui-ci soit non seulement remis mais aussi signé avant le terme initial. Elle rappelle le principe dans un arrêt publié du 5 octobre 2016, sanctionnant un retard de signature par une requalification en CDI.

Cet arrêt insiste à nouveau sur la date de conclusion de l’avenant, qui doit impérativement intervenir avant l’expiration du contrat initial. Ainsi, « le contrat à durée déterminée initial, faute de prévoir les conditions de son renouvellement, ne peut être renouvelé que par la conclusion d’un avenant avant le terme initialement prévu ; à défaut, il devient un contrat à durée indéterminée, dès lors que la relation de travail s’est poursuivie après l’échéance du terme ».

Autre précision : « la seule circonstance que la salariée avait travaillé après le terme du contrat à durée déterminée ne permettait pas de déduire son accord, antérieurement à ce terme, pour le renouvellement du contrat initial ».

Si l’arrêt ne fait que confirmer la jurisprudence antérieure, il a le mérite de clarifier les conditions d’un renouvellement par avenant :

– il doit être recouru à un avenant dès lors que les conditions du renouvellement n’ont pas été prévues au contrat initial. Ce qui couvre donc aussi bien l’hypothèse dans laquelle les parties n’ont rien prévu en matière de renouvellement, que celle dans laquelle le contrat a prévu la possibilité d’un renouvellement mais sans en fixer les modalités concrètes ;

– l’avenant doit être « conclu » et non pas seulement « soumis » au salarié avant le terme initial. Cette précision implique que le salarié ait donné son acceptation avant le terme initial ;

– cette acceptation doit être expresse (signature apposée sur l’avenant), elle ne peut se déduire de la seule poursuite du contrat après le terme initial, même si l’avenant a été établi antérieurement.

NB : la sanction étant celle de la requalification en CDI, les employeurs ont tout intérêt à veiller à ce que le salarié appose sa signature sur l’avenant au plus tard le dernier jour du contrat initial. La pratique consistant à remettre l’avenant au salarié avant le terme initial, mais à ne recueillir sa signature qu’au premier jour de la date de prise d’effet du renouvellement est à proscrire.

 

La clause de non-concurrence n’a pas à faire expressément référence à la contrepartie financière d’origine conventionnelle (Cass. soc., 6 octobre 2016, n° 15-17227)

Une clause contractuelle de non-concurrence, qui interdit au salarié d’exercer une activité concurrente après son départ de l’entreprise, n’est valable qu’à quatre conditions cumulatives. Elle doit :

– être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise ;

– être limitée dans le temps et dans l’espace ;

– tenir compte des spécificités de l’emploi du salarié ;

– prévoir le versement d’une contrepartie financière.

Un VRP avait invoqué ce dernier point pour obtenir le versement de dommages et intérêts. En effet, la clause inscrite dans son contrat de travail ne prévoyait aucune contrepartie financière. Et bien qu’il ait été libéré de son obligation au jour de son licenciement, l’intéressé estimait avoir subi un préjudice puisque, pendant qu’il était en poste, cette clause avait limité ses possibilités de changer de travail.

L’employeur invoquait pour sa défense l’accord national interprofessionnel (ANI) des VRP du 3 octobre 1975, qui prévoit une contrepartie financière. Mais la cour d’appel avait estimé que, le contrat de travail ne faisant pas référence à cet accord, il était impossible pour l’employeur de se prévaloir de la contrepartie financière d’origine conventionnelle.

L’arrêt a logiquement été cassé, la Cour de cassation ayant déjà estimé que l’absence de référence à l’ANI du 3 octobre 1975 n’avait aucune conséquence. En effet, l’employeur est tenu d’appliquer au contrat de travail les clauses d’une convention collective ou d’un accord, sauf clause contractuelle plus favorable. Un VRP assujetti à une clause de non-concurrence a donc nécessairement droit à la contrepartie financière prévue par l’ANI du 3 octobre 1975. Peu importe le silence du contrat de travail sur ce point.

NB : cette solution ne concerne pas que les VRP. En règle générale, le fait que le contrat de travail ne fasse pas expressément référence à la contrepartie financière prévue par la convention collective ne permet pas de faire tomber la clause de non-concurrence.

 

Formation : titulaire d’un BTS n’ayant suivi que deux formations en huit ans (Cass. soc., 5 octobre 2016, n° 15-13594)

Nouvelle illustration de la jurisprudence permettant à un salarié qui n’a bénéficié d’aucune formation d’adaptation pendant plusieurs années, de réclamer des dommages-intérêts pour manquement de l’employeur à l’obligation prévue par l’article L. 6321-1 du Code du travail.

L’employeur doit en effet assurer l’adaptation de ses salariés à leur poste de travail, mais aussi, plus largement, veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi.

En huit années de présence dans une entreprise de fabrication de produits alimentaires, un agent de production, titulaire d’un BTS, n’avait bénéficié que de deux actions de formation, l’une sur la sécurité incendie du bâtiment et l’autre sur l’hygiène et la qualité.

La Cour de cassation a confirmé la condamnation de l’employeur à lui verser 6 000 € de dommages-intérêts.

La cour d’appel avait relevé que sur une période aussi longue, le titulaire d’un BTS aurait dû bénéficier d’autres formations en rapport avec le poste de travail.

La carence de l’employeur a eu pour effet de limiter, après la rupture du contrat, sa recherche d’emploi à des postes ne nécessitant pas de formation particulière, mais aussi de compromettre son évolution professionnelle.

Remarque : plus la durée d’emploi est longue, plus le risque de condamnation est important. Il a ainsi déjà été jugé que deux salariés qui, sur 24 et 12 ans de carrière, n’avaient bénéficié que d’un stage de formation de trois jours sont en droit de réclamer des dommages-intérêts (Cass. soc., 23 octobre 2007, n° 06-40950). Même verdict en cas d’absence de formation en 16 ans de carrière (Cass. soc., 5 juin 2013, n° 11-21255) ou sur une période d’emploi de sept ans (Cass. soc., 7 mai 2014, n° 13-14749).

En revanche, l’absence d’action de formation sur une période d’emploi de un an et huit mois (Cass. soc., 18 juin 2014, n° 13-16848), et a fortiori sur une période de dix mois (Cass. soc., 5 mars 2015, n° 13-14136), n’emporte pas une telle conséquence.