Informations sociales – Juillet 2019 (Lex-Part)

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A RETENIR

  • La Cour de cassation valide le barème d’indemnisation issu des Ordonnances Macron

La Cour de cassation, intervenant en formation plénière dans le cadre de la procédure de demande d’avis, conclue à la conformité du barème avec la convention n° 158 de l’OIT, l’article 24 de la Charte sociale européenne n’étant, pour sa part, pas invocable par les salariés devant les juridictions nationales.

Reconnaissant à l’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT un effet direct en droit interne, la Cour de cassation conclut à la compatibilité de l’article L. 1235-3 du Code du travail, qui fixent un barème applicable à la détermination par le juge du montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec les dispositions de cet article 10.

Si plusieurs motifs sont avancés, elle estime notamment que « le terme “adéquat” doit être compris comme réservant aux États parties une marge d’appréciation ». Une marge d’appréciation dont l’État français n’a fait qu’user en instituant des planchers et des plafonds d’indemnisation, selon la note explicative.

Ces deux avis viennent ainsi clore le débat sur la conventionnalité du barème, validé dans son principe.

Si, techniquement, les juges du fond ne sont pas tenus par l’avis rendu par la Cour de cassation, pas même les Conseils de prud’hommes de Louviers et Toulouse qui ont actionné cette procédure, en cas de pourvoi, la chambre sociale ne devrait pas dévier de la ligne tracée par la formation plénière de la Cour et la cassation sera en toute logique encourue.

Cour de cassation, Avis n° 15012 et 15013 du 17 juillet 2019, Demandes d’avis n° 19-70010 et 19-70011

1. TEXTES

  • Déclarations URSSAF : clôture au 1er juillet 2019 des CTP relatifs aux exonérations abrogées (www.urssaf.fr – information du 13 juin 2019)

Dans une information du 13 juin, le réseau des URSSAF revient sur le sort des codes types de personnel (CTP) relatifs aux dispositifs d’exonération abrogés au 1er janvier 2019. Les CTP concernés ont été clôturés au 1er juillet 2019.

La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019 comportait une série de dispositions touchant aux allégements de cotisations sociales, dont notamment la suppression d’exonérations spécifiques au bénéfice d’un renforcement de la réduction générale de cotisations patronales (loi 2018-1203 du 22 décembre 2018, JO du 23).

Dans ce cadre, selon le site Internet des URSSAF, la direction de la sécurité sociale (DSS) a prévu en date du 1er mars 2019 un délai de 6 mois pour la mise en conformité des déclarations sociales.

En conséquence, les CTP correspondant à ces mesures ont été clôturés pour les périodes d’emploi courant à compter du 1er juillet 2019.

Sont concernés les CTP dédiés aux :

– contrats d’apprentissage (CTP 161, 455, 701, 703, 705, 707, 815, 817, 830, 832 et 834) ;

– contrats de professionnalisation (CTP 456, 458, 026, 849 et 963) ;

– rémunérations versées par les associations intermédiaires (CTP 366) ;

– déclarations du taux AF réduit pour les régimes spéciaux (CTP 074 et 075).

En pratique, ces codes types ne peuvent donc plus être utilisés.

Par ailleurs, l’URSSAF rappelle que plusieurs dispositifs dérogatoires sont désormais réservés aux seuls employeurs publics. A ce titre, les CTP suivants ne pourront plus être utilisés par les employeurs privés :

l’aide à domicile (CTP 302, réservé au personnel non titulaire des centres communaux d’action sociale) ;

– les ateliers et chantiers d’insertion (CTP 323 et 938) ;

– les contrats d’accompagnement dans l’emploi (CTP 420 et 422).

L’URSSAF indique que si l’employeur a utilisé un ou plusieurs des CTP concernés à tort au cours du 1er semestre 2019, il doit opérer au plus tôt une régularisation des déclarations sur les périodes concernées.

  • Mécanisme de certification de certains organismes de formation pour 2021 (Décret n° 2019-564 du 6 juin 2019, Décret n° 2019-565 du 6 juin 2019, Arrêtés du 6 juin 2019)

Deux décrets et deux arrêtés précisent les modalités de mise en œuvre du mécanisme de certification des prestataires de formation financés par des fonds publics ou mutualisés.

Pour veiller à la qualité de la formation professionnelle, la loi « Avenir professionnel » impose aux organismes de formation financés par des fonds publics ou mutualisés (Etat, régions, Caisse des dépôts et consignations, opérateur de compétences, etc.) d’obtenir une certification, sur la base de critères définis par décret. Ce mécanisme de certification entrera en vigueur le 1er janvier 2021.

Un premier décret définit les critères auxquels devront satisfaire les prestataires de formation : conditions d’information du public sur les prestations proposées, adéquation entre les moyens mobilisés et les prestations mises en œuvre, prise en compte des appréciations et des réclamations, etc. On retrouve ici, dans des termes proches, les points à vérifier aujourd’hui par les organismes financeurs dans le cadre de leur obligation de contrôle.

La mise en place de ce mécanisme de certification n’aura pas pour effet de dispenser les organismes financeurs de tout contrôle. Ceux-ci devront toujours s’assurer de la qualité des formations dispensées.

Un deuxième décret définit le « référentiel national » sur la base duquel seront évalués les prestataires de formation par les organismes certificateurs. Ce référentiel, qui prend la forme d’une grille d’évaluation, reprend les critères de certification évoqués ci-avant, qu’il complète par une série d’indicateurs d’appréciation.

Ces textes sont complétés par un arrêté du 6 juin 2019 qui fixe les modalités des audits réalisés par les organismes certificateurs : audit initial (pour accorder ou non la certification), audit de surveillance (contrôle entre le 14e et le 22e mois suivant la date d’obtention de la certification) et audit de renouvellement (la certification étant accordée pour 3 ans).

Enfin, un deuxième arrêté du 6 juin fixe les conditions d’accréditation des organismes certificateurs (ces derniers doivent être accrédités par le Cofrac pour délivrer des certifications). Il précise également que le prestataire de formation pourra choisir librement son organisme certificateur. Il relèvera de la responsabilité du prestataire de vérifier que l’organisme certificateur est accrédité ou en cours d’accréditation.

  • Les modalités de prolongation du congé de paternité et d’accueil de l’enfant en cas d’hospitalisation du nouveau-né sont fixées (Décret n° 2019-630 du 24 juin 2019, JO du 25 et arrêté du 24 juin 2019, JO du 25)

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 a prévu de prolonger le congé de paternité et d’accueil de l’enfant en cas d’hospitalisation immédiate du nouveau-né. Un décret et un arrêté du 24 juin 2019 en fixent les modalités.

  • Rappel : bénéficiaires et durée

Un congé de paternité et d’accueil de l’enfant doit être accordé après la naissance d’un enfant et sans condition d’ancienneté :

– au père de l’enfant, quelle que soit sa situation de famille (marié, pacsé ou autre) ;

– et, le cas échéant, à la personne vivant maritalement avec la mère (conjoint, partenaire ayant conclu un Pacs, concubin, etc.) indépendamment de son lien de filiation avec l’enfant qui vient de naître.

Ce congé est de 11 jours calendaires consécutifs en cas de naissance simple, et de 18 jours en cas de naissances multiples.

  • Prolongation possible pour les naissances intervenant à partir du 1er juillet 2019

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 a prévu d’allonger la durée de ce congé en cas d’hospitalisation immédiate après la naissance du nouveau-né dans une unité de soins spécialisée.

Un décret et un arrêté devaient parachever la réforme.

C’est chose faite, ces deux textes ayant été publiés au Journal officiel. Leurs dispositions s’appliqueront aux naissances intervenant à compter du 1er juillet 2019.

Le congé de paternité et d’accueil de l’enfant sera ainsi prolongé lorsque le nouveau-né sera, immédiatement après sa naissance, hospitalisé dans l’une des unités de soins spécialisée suivantes :

– unités de néonatalogie mentionnées à l’article R. 6123-44 du code de la santé publique ;

– unités de réanimation néonatale mentionnées à l’article R. 6123-45 du même code ;

– unités de pédiatrie de nouveau-nés et de nourrissons mentionnées à l’article D. 6124-57 du même code ;

– unités indifférenciées de réanimation pédiatrique et néonatale mentionnées à l’article D. 6124-62 du même code.

  • Durée de la prolongation

Le droit au congé de paternité et d’accueil de l’enfant sera accordé pendant une durée maximale de 30 jours consécutifs, en plus des 11 ou 18 jours calendaires du congé de base. Le congé devra être pris dans les 4 mois suivant la naissance de l’enfant.

Le salarié bénéficiant de ce congé devra en informer son employeur sans délai en transmettant un document justifiant de cette hospitalisation.

  • Indemnisation du congé

La CPAM verse au salarié en congé de paternité et d’accueil de l’enfant des indemnités journalières (IJ) pendant toute la durée de la suspension de son contrat de travail.

En cas de prolongation du congé pour hospitalisation de l’enfant immédiatement après la naissance, le salarié devra, pour bénéficier des IJ :

– transmettre à l’organisme de sécurité sociale dont il relève dans les meilleurs délais un bulletin justifiant de l’hospitalisation de l’enfant dans une unité de soins spécialisées ;

– et attester de la cessation de son activité professionnelle pendant la période d’hospitalisation de l’enfant dans la limite de 30 jours.

Les indemnités journalières pourront lui être servies pendant une durée maximale de 30 jours consécutifs.

Rappelons que l’employeur n’a aucune obligation légale de verser un complément de salaire. Une convention collective, ou le cas échéant un usage d’entreprise, peut prévoir un maintien du salaire brut ou net pendant tout ou partie du congé, sous déduction des IJSS versées par la sécurité sociale.

  • Des précisions en paie sur les modalités de mise en œuvre de l’exonération fiscale sur les heures supplémentaires

Rappel : la loi du 24 décembre 2018 portant mesures d’urgence économiques et sociales a avancé l’entrée en vigueur de l’exonération de cotisations salariales sur les heures supplémentaires et complémentaires au 1er janvier 2019 et a étendu l’exonération à l’impôt sur le revenu dans la limite de 5 000 € par an.

Selon des informations du Groupement d’intérêt public – modernisation des déclarations sociales (GIP-MDS) diffusées le 11 juin sur le site dsn-info.fr, ce plafond annuel s’apprécie au regard de la rémunération nette imposable afférente aux heures supplémentaires exonérées perçues par la personne au cours de l’année. Pour son application en paie, « la DGFiP a confirmé que le calcul s’opérerait en conséquence sur un plafond exprimé en brut de 5 358 € ». Par ailleurs, aucune proratisation en fonction de la durée d’activité n’est à réaliser (temps partiel notamment, ou contrats sur une période inférieure à l’année entière), ajoute le GIP-MDS. Des exemples pratiques de modalités de mise en œuvre de l’exonération son également fournis, notamment en fonction du dépassement ou non du plafond brut d’exonération sur le mois (dsn-info.fr).

2. JURISPRUDENCE

  • Des échecs répétés à une formation obligatoire autorisent l’employeur à invoquer une insuffisance professionnelle (Cass. soc., 5 juin 2019, n° 18-10050)

Les personnes chargées d’examiner aux rayons X les bagages des passagers dans les aéroports doivent suivre une formation périodique.

Dans une affaire jugée le 5 juin, la Cour de cassation s’est penchée sur le cas d’une salariée qui avait échoué à quatre reprises au test sanctionnant cette formation et qui reprochait à son employeur de l’avoir licenciée pour insuffisance professionnelle.

Une salariée, agent d’exploitation de sûreté aéroportuaire, avait suivi une formation périodique relative à l’imagerie radioscopique (en d’autres termes, l’examen des bagages aux rayons X). Elle avait cependant échoué à quatre reprises au test sanctionnant cette formation.

L’employeur avait alors proposé à la salariée de s’entraîner pendant quelques jours, à son rythme, avec le logiciel ad hoc, avant de passer une cinquième fois le test. Mais l’intéressée avait décliné cette proposition.

L’employeur avait donc suspendu le contrat de travail de la salariée et cherché une solution de reclassement, sans succès. Il l’avait finalement licenciée pour insuffisance professionnelle, arguant du fait qu’il ne pouvait continuer à l’employer sans violer la réglementation relative à la sûreté de l’aviation civile.

Pour la Cour de cassation, au-delà des questions de certification ou d’agrément, il faut garder à l’esprit que l’employeur était dans l’obligation, étant donné les réglementations européenne et nationale, de faire suivre une formation périodique à la salariée.

Dès lors que l’intéressée avait échoué de façon récurrente aux examens sanctionnant cette formation, l’employeur pouvait invoquer son insuffisance dans l’accomplissement des tâches pour lesquelles cette formation était exigée.

La cour d’appel ne pouvait dès lors condamner l’employeur au seul motif que la salariée avait toujours son agrément. Il lui fallait examiner si l’incapacité de la salariée à remplir ses fonctions constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement.

  • L’absence de réclamation du salarié du remboursement de ses frais professionnels n’exonère pas l’employeur de son obligation (Cass. soc., 27 mars 2019, n° 17-31116)

Les frais qu’un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle, et dans l’intérêt de l’employeur, doivent lui être remboursés.

Toutefois, il est possible de prévoir dans le contrat de travail que le salarié en conserve la charge moyennant le versement d’une somme forfaitaire et à la condition que la rémunération proprement dite soit au moins égale au SMIC.

En revanche, une clause du contrat de travail qui met à la charge d’un salarié les frais engagés par celui-ci pour les besoins de son activité professionnelle n’est pas valable. Elle est réputée non écrite.

Un salarié, exerçant les fonctions de VRP exclusif, avait saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail. Parmi les différents manquements que le salarié reprochait à l’employeur, figurait l’absence de remboursement de ses frais professionnels pendant 8 ans.

D’une part, la Cour de cassation rappelle ici que la clause du contrat de travail devait être réputée non écrite comme mettant à la charge d’un salarié les frais engagés par celui-ci pour les besoins de son activité professionnelle.

D’autre part, elle estime que l’absence de réclamation du salarié du remboursement des frais professionnels qu’il avait supportés n’était pas de nature à rendre le manquement de l’employeur inexistant. 

  • Faut-il prendre en compte l’indemnité de congés payés pour apprécier si le salaire minimum conventionnel est respecté ? (Cass. soc., 19 juin 2019, n° 18-12642)

Une convention collective stipulait que les congés payés faisaient partie des éléments pris en considération pour apprécier la rémunération annuelle minimale des salariés. Les indemnités versées par la caisse de congés payés aux salariés ne pouvant prendre leurs congés du fait de leur charge de travail relevaient, selon les juges, de ces « congés payés » cités par la convention collective. Ces indemnités étaient donc comptées dans le salaire minimum conventionnel.

Dans cette affaire, l’employeur avait pris en compte, de 2008 à 2013, les indemnités de congés payés versées au salarié par la caisse de congés payés dont il dépendait pour s’assurer que celui-ci percevait bien le salaire minimum conventionnel qui lui était dû.

Or, compte tenu de sa charge de travail, le salarié ne prenait pas tous ses congés, mais percevait néanmoins des indemnités de congés payés par la caisse (la décision n’apportant pas d’autre précision sur cette situation pour le moins singulière). Juridiquement parlant, les sommes versées par la caisse s’apparentaient donc plutôt à des indemnités « compensatrices » de congés payés, puisqu’elles correspondaient à des jours de congés non pris.

Lorsqu’il s’agit de s’assurer qu’un salarié perçoit bien le minimum conventionnel, il convient de se reporter à la convention collective qui prévoit généralement les éléments à prendre en compte pour vérifier que le salaire minimum est respecté.

Dans ce cas, pour les juges, les éléments de rémunération qui ne sont pas exclus par la convention collective du minimum conventionnel doivent y être inclus, quel que soit leur objet.

Lorsque la convention collective ne donne pas de précision, il convient de tenir compte des éléments fixes et constants de la rémunération qui représentent la contrepartie du travail, pour s’assurer que le minimum conventionnel est attribué au salarié.

En l’espèce, la convention collective prévoyait que les « congés payés » étaient pris en compte dans la détermination du salaire minimum conventionnel annuel. Cette notion de « congés payés » visait vraisemblablement l’indemnité de congés payés telle qu’on l’entend habituellement, c’est-à-dire la somme versée au salarié pendant ses congés.

Mais englobait-elle l’indemnité versée par la caisse alors que le salarié ne prend pas l’intégralité de ses jours ? Pour la Cour de cassation, compte tenu de la rédaction de la convention collective, toutes les sommes perçues au titre des « congés payés », étaient à prendre en compte dans l’appréciation du respect du minimum conventionnel. Il importait peu que les indemnités ne figurent pas sur les bulletins de paie, ayant été réglées par la caisse de congés payés.

  • La fin de CDD d’un salarié protégé suppose d’en faire la demande à l’inspection du travail avant le terme prévu (Cass. soc., 5 juin 2019, n° 17-24193)

Lorsque le CDD régulièrement conclu d’un représentant du personnel, s’est poursuivi après son terme du fait de l’absence de saisine préalable de l’inspecteur du travail permettant la fin du contrat, le CDD devient CDI. Dans cette situation, le salarié ne peut pas prétendre à une indemnité de requalification.

Rappel : lorsque le CDD (sans clause de renouvellement) d’un salarié titulaire d’un mandat de DP arrive à son terme, l’employeur doit saisir l’inspecteur du travail afin que celui-ci constate que le salarié ne fait pas l’objet d’une mesure discriminatoire. En d’autres termes, il ne doit pas y avoir de lien entre la fin du CDD et les fonctions de représentant du personnel.

En pratique, l’employeur saisit l’inspecteur du travail avant l’arrivée du terme du contrat et celui-ci répond aussi avant la date de fin du CDD.

Si l’employeur ne saisit pas l’inspecteur du travail, faute d’autorisation, la rupture du CDD est nulle et le CDD est transformé en contrat à durée indéterminée.

Lorsque l’employeur n’a pas respecté la procédure requise auprès de l’inspecteur du travail pour un salarié protégé en CDD, il lui faut soit réintégrer ce salarié, soit l’indemniser.

Ici, le CDD avait été régulièrement conclu et s’était poursuivi au-delà de son terme du seul fait de l’absence de saisine préalable de l’inspecteur du travail. Le salarié ne pouvait donc pas prétendre à une indemnité de requalification. Cela étant, le CDD ayant pris fin sans que l’inspecteur ait été saisi, le salarié pouvait prétendre à une indemnité au titre de la violation du statut protecteur.

  • Rétractation d’une rupture conventionnelle: c’est la date d’envoi qui compte (Cass. soc., 19 juin 2019, n° 18-22897)

La lettre de rétractation d’une rupture conventionnelle envoyée par l’employeur dans le délai de 15 jours calendaires produit tous ses effets, peu important sa date de réception par le salarié.

A compter de la date de signature d’une rupture conventionnelle, chacune des parties dispose d’un délai de 15 jours calendaires pour exercer son droit à rétractation qui est exercé sous la forme d’une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l’autre partie (Article L. 1237-13 du CT).

Rappel : la Cour a récemment jugé qu’une rupture conventionnelle non datée est nulle, en ce qu’elle ne permet pas de déterminer le point de départ du délai de rétractation, qui est une garantie fondamentale.

Afin que les parties bénéficient pleinement du délai pour exercer leur droit à rétractation, la Cour de cassation a déjà jugé que la fin de ce délai s’apprécie à la date d’envoi du courrier par le salarié et non à sa date de réception par l’employeur. Elle confirme, en toute logique, cette règle dans le cas où c’est l’employeur qui exerce son droit à rétractation.

A noter : cette solution est susceptible d’entraîner un problème d’ordre pratique. En effet, l’employeur ou le salarié peut envoyer la demande d’homologation à l’administration dès le premier jour qui suit la fin du délai de 15 jours calendaires. Ainsi, un employeur peut en toute bonne foi saisir le Direccte et n’apprendre qu’ultérieurement que le salarié s’est rétracté. De même, la Direccte peut homologuer cette convention en ignorant la rétractation, puisque la partie qui se dédie n’est pas tenue de l’en informer. Pour autant, cette homologation ne remettra pas en cause une rétractation régulière de la convention.

L’administration a précisé que la notion de jours calendaires implique que chaque jour de la semaine est comptabilisé. Ainsi, le délai démarre au lendemain de la date de signature de la convention de rupture et se termine au quinzième jour à 24 heures (Circ. DGT 2008-11 du 22 juillet 2008). Lorsque ce délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant (l’article R 1231-1 du CT). 

  • Rupture conventionnelle : ne pas oublier de remettre une convention dûment signée au salarié et d’en garder la preuve (Cass. soc., 3 juillet 2019, n° 18-14414 et 17-14232)

Dans deux arrêts du 3 juillet 2019, la Cour de cassation indique que :

  • La rupture n’est pas valable si le salarié n’a pas eu son exemplaire de la convention dûment signé par l’employeur ;
  • La mention selon laquelle la convention a été établie en deux exemplaires ne fait pas présumer sa remise au salarié. 
  • Remettre la convention de rupture au salarié sous peine de nullité

La Cour de cassation a déjà précisé que l’employeur doit remettre un double du formulaire CERFA de demande d’homologation au salarié, sinon la rupture est nulle et a les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 6 février 2013, n° 11-27000).

Cette remise est une formalité substantielle, car le salarié aura ainsi la possibilité, à l’instar de l’employeur, de demander l’homologation de la rupture auprès du DIRECCTE. Elle permet aussi au salarié de décider en pleine connaissance de cause s’il fait jouer ou pas son droit de rétractation puisque le formulaire rappelle tous les points négociés. Il en va de la liberté de son consentement à la rupture de son contrat de travail.

Remettre au salarié un exemplaire non signé par l’employeur a-t-il les mêmes effets qu’une absence de remise ? Qu’en est-il si l’employeur remet bien son exemplaire au salarié, mais sans l’avoir signé ?

La Cour de cassation vient de répondre dans un arrêt du 3 juillet 2019 (n° 17-14232) en précisant que « seule la remise au salarié d’un exemplaire de la convention signé des deux parties lui permet de demander l’homologation de la convention et d’exercer son droit de rétractation en toute connaissance de cause ».

  • En cas de contentieux, c’est à l’employeur de prouver la remise de son exemplaire au salarié

Dans une autre affaire (n° 18-14414), l’employeur avait tenté d’échapper à l’annulation de la rupture conventionnelle en arguant que ce n’était pas à lui de prouver la remise d’un exemplaire au salarié mais au salarié de prouver qu’il ne l’avait pas eu.

Selon l’employeur, le fait que la convention de rupture rédigée sur le formulaire CERFA mentionnait qu’elle avait été établie en 2 exemplaires laissait présumer qu’un 2ème exemplaire avait bien été remis au salarié, et ce, même s’il n’était pas indiqué que chacun des exemplaires avait été effectivement remis à chaque partie.

Pour la Cour de cassation, il aurait fallu « constater » qu’un exemplaire de la convention de rupture avait été remis au salarié.

En d’autres termes, quand le salarié saisit les juges pour faire annuler la rupture conventionnelle parce qu’il n’a pas eu son exemplaire de la convention de rupture, la charge de la preuve de la remise pèse sur l’employeur.

La réponse apportée dans l’affaire du 3 juillet semble générale. On peut donc se demander quelle aurait été la réponse de la Cour de cassation si la convention de rupture avait mentionné qu’un exemplaire avait été remis à chaque partie ?

A noter : dans l’incertitude, il ne peut être que recommandé à l’employeur de prendre toutes ses précautions, à savoir : vérifier qu’un exemplaire dûment signé par chaque partie et daté est bien remis au salarié et se constituer une preuve de cette remise (ex. : contre décharge). 

  • Indemnisation en cas d’annulation du licenciement : il faut « neutraliser » les salaires réduits liés à des arrêts maladie pour en calculer le montant (Cass. soc., 26 juin 2019, n° 18-17120)

Dans cette affaire, un salarié, qui exerçait les fonctions d’agent de production de nuit, avait été en arrêt de travail pour maladie du 16 novembre 2011 au 6 février 2012, puis du 2 au 4 avril 2012. Il avait ensuite été licencié pour motif économique le 30 avril 2012 et avait saisi le conseil de prud’hommes pour contester son licenciement. Au final, le plan de sauvegarde de l’emploi avait été considéré comme nul, entraînant de fait la nullité du licenciement du salarié.

La cour d’appel pour réparer le préjudice résultant de la nullité de son licenciement, avait alloué au salarié une indemnisation d’un montant de 25 000 €, conformément à l’article L. 1235-11 du code du travail dans sa version de l’époque.

Pour évaluer cette indemnisation, les juges d’appel avaient pris en compte les rémunérations mensuelles brutes du salarié d’un montant diminué du fait des jours d’arrêt de travail.

Ainsi, en avril 2012, les juges avaient pris en compte un salaire brut de 2 062 €, compte tenu de l’arrêt de travail. En février, le salaire avait été retenu pour 744 €, en janvier pour 466 € en janvier et en décembre 2011 pour 1 448 €.

Or, selon la Cour de cassation, il fallait « prendre en considération le salaire des 12 derniers mois exempts d’arrêts de travail pour maladie ». Les juges auraient donc dû, en quelque sorte, neutraliser les périodes de maladie ayant donné lieu à un salaire réduit.

En décider autrement était contraire au principe de non-discrimination en raison de l’état de santé du salarié (c. trav. art. L. 1132-1).

  • La persistance de l’employeur à appliquer un système de décompte du temps de travail erroné vaut travail dissimulé (Cass. soc., 5 juin 2019, n° 17-23228)

La mention intentionnelle sur le bulletin de paye d’un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli caractérise aussi le délit de travail dissimulé, sauf si cela est la simple conséquence de l’application d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail. Le caractère intentionnel du délit doit impérativement être établi.

Dans la présente affaire, une salariée, distributrice de journaux et de prospectus avait demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Elle reprochait à son employeur d’avoir mentionné sur ses bulletins de paye un nombre d’heures de travail inférieur à celui qu’elle avait réellement accompli. Preuve à l’appui, puisque l’intéressée avait pu faire constater par huissier certaines opérations de distribution non comptabilisées par son employeur.

Pour sa défense, l’employeur faisait valoir qu’il n’avait fait qu’appliquer les dispositions conventionnelles en la matière. En effet, la convention collective applicable (CC de la distribution directe) prévoit un système de décompte du temps de travail spécifique pour les distributeurs de prospectus et de journaux. Les employeurs sont ainsi autorisés à recourir à une « quantification préalable » du temps de travail itinérant de ces salariés.

L’argumentation de l’employeur n’a pas convaincu les juges, pour qui cette persistance à se retrancher derrière l’application du système de quantification préalable caractérisait une volonté de dissimuler des heures de travail.

La Cour de cassation a validé la décision en estimant que, si la dissimulation d’emploi salarié ne peut pas se déduire de la seule application du dispositif de quantification préalable prévue par la convention collective applicable, elle est en revanche caractérisée lorsqu’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paye un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

C’est donc à juste titre que les juges ont pu décider que la persistance de l’employeur à décompter le temps de travail en se fondant exclusivement sur la quantification préalable des missions confiées ou accomplies par le distributeur, caractérisait l’élément intentionnel du travail dissimulé.

  • L’employeur n’a pas à soumettre au CSE une modification du règlement intérieur s’il n’a fait que se conformer aux injonctions de l’inspection du travail (Cass. soc., 26 juin 2019, n° 18-11230)

Un syndicat soutenait que le règlement intérieur de l’entreprise était inopposable aux salariés, faute pour l’employeur d’avoir soumis au comité d’entreprise une modification apportée à ce règlement… plus de 30 ans auparavant. L’action s’est cependant soldée par un échec, dans la mesure où l’employeur n’avait modifié le règlement intérieur que pour se conformer aux injonctions de l’inspection du travail.

Rappel : obligatoire à partir de 20 salariés, le règlement intérieur doit être soumis pour avis au comité social et économique (CSE) ou au comité d’entreprise (CE) pour les entreprises qui n’ont pas encore basculé dans le nouveau régime de représentation du personnel. Cette obligation de consultation s’applique aussi en cas de modification du règlement intérieur. A défaut, le texte est inopposable au personnel. En d’autres termes, l’employeur ne peut pas se prévaloir de la violation d’une clause du règlement intérieur pour sanctionner un salarié.

Dans cette affaire, l’employeur avait dû modifier certaines clauses du règlement intérieur à la suite d’injonctions formulées par l’inspection du travail. Il n’avait cependant pas jugé utile de présenter ces modifications au comité d’entreprise. 32 ans plus tard, un syndicat avait saisi le tribunal de grande instance pour faire juger que le règlement intérieur était inopposable aux salariés.

La cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, a néanmoins estimé qu’il n’y avait pas lieu à référé. En effet, selon l’arrêt, il convient de distinguer les modifications décidées par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction de celles qui font suite à des injonctions de l’inspecteur du travail. L’employeur ne pouvant que se conformer à de telles injonctions, il n’y a pas d’obligation de soumettre au CE ou au CSE les modifications qui en résultent.