Indemnités kilométriques – Contrat de génération – CSP

- Social

I/ Indemnités kilométriques : le barème 2015 est publié (Arrêté du 26 février 2015, JO 28 février)

Un arrêté du 26 février 2015, publié au JO du 28 février, fixe le barème permettant l’évaluation forfaitaire des frais de déplacement liés à l’utilisation, par les salariés soumis à l’impôt sur le revenu, d’un véhicule personnel pour des déplacements professionnels.

Ce barème fiscal, réévalué en 2015, est applicable aux revenus perçus en 2014.

Il sert aussi à déterminer le régime social des indemnités forfaitaires kilométriques versées par l’employeur.

• Déduction des frais réels pour l’impôt sur le revenu
Lors du calcul de l’impôt sur le revenu, il est tenu compte des frais professionnels exposés par le contribuable au cours de l’année. Ce dernier peut opter entre la déduction forfaitaire de 10 % et la déduction de ses frais pour leur montant réel.

• Conséquence en matière sociale

Ce barème sert également de référence en matière sociale.

L’arrêté du 20 décembre 2002, relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, prévoit que, lorsqu’un salarié est contraint d’utiliser son véhicule personnel pour les trajets domicile-lieu de travail (absence de transports collectifs ou incommodité des horaires), l’indemnité forfaitaire kilométrique versée par l’employeur est réputée utilisée conformément à son objet et exclue de l’assiette des cotisations de sécurité sociale si elle ne dépasse pas les limites fixées par le barème kilométrique de l’administration fiscale.
Pour la fraction qui excède la déduction admise par l’administration, les indemnités forfaitaires ne sont exclues de l’assiette des cotisations qu’à condition que soit justifiée l’utilisation effective des indemnités conformément à leur objet. A défaut, la fraction excédentaire est assujettie à l’ensemble des charges sociales.

II/ Contrat de génération : l’aide est étendue aux embauches en CDI d’apprentissage (Décret nº 2015-249 du 3 mars 2015)

La loi formation nº 2014-288 du 5 mars 2014 a adapté le dispositif « contrat de génération » sur plusieurs points pour en favoriser le développement, notamment dans les PME.
Un an après sa parution, un décret du 3 mars 2015, publié au Journal Officiel du 5 mars, actualise les dispositions réglementaires concernant le contrat de génération.

• Extension de l’aide financière au recrutement en CDI d’apprentissage
L’aide financière accordée aux entreprises de moins de 300 salariés dans le cadre du contrat de génération suppose l’embauche d’un jeune de moins de 26 ans en CDI et le maintien dans l’emploi d’un senior de 57 ans ou plus (de 55 ans ou plus en cas d’embauche).

Le contrat d’apprentissage pouvant être conclu pour une durée indéterminée depuis la loi formation, le décret élargit le bénéfice de l’aide financière aux recrutements effectués dans le cadre du contrat à durée indéterminée d’apprentissage.

L’âge du jeune est apprécié au 1er jour d’exécution du contrat suivant l’expiration de la période d’apprentissage.

L’employeur doit déposer la demande d’aide auprès de Pôle Emploi dans les trois mois suivant le 1er jour d’exécution du contrat suivant l’expiration de la période d’apprentissage.

Enfin, l’entreprise bénéficie de l’aide pendant trois ans au 1er jour d’exécution du contrat suivant l’expiration de la période d’apprentissage.

• Suppression de l’obligation de transmettre le diagnostic

Afin d’inciter à recourir au contrat de génération dans les entreprises de 50 à 299 salariés, la loi formation leur ouvre un accès direct à l’aide individuelle pour tout contrat de génération conclu, en supprimant l’obligation préalable d’avoir conclu un accord collectif ou élaboré un plan d’actions ou d’être couvertes par un accord de branche.
L’obligation prévue pour les entreprises couvertes par accord de branche de transmettre à la DIRECCTE le diagnostic sur l’emploi des salariés âgés est devenue donc inopérante.

Le décret du 3 mars 2015 en tire les conséquences en supprimant les dispositions réglementaires relatives à l’obligation de transmission du diagnostic à la DIRECCTE.

III/ CSP et situation des salariés ayant entre 1 et 2 ans d’ancienneté (UNEDIC -information du 12 mars 2015)

La convention du 26 janvier 2015 relative au contrat de sécurisation professionnelle (CSP), en cours d’agrément, s’applique aux salariés compris dans une procédure de licenciement pour motif économique engagée à compter du 1er février 2015.

Elle divise les salariés potentiellement bénéficiaires du CSP en 3 catégories selon leur ancienneté, pour ce qui est du préavis à verser au Pôle Emploi et du montant de l’allocation de sécurisation professionnelle.

Les salariés ayant au moins 2 ans d’ancienneté qui adhèrent au CSP sont mieux indemnisés que s’ils étaient au chômage puisque l’allocation est égale 75 % du salaire de référence. De son côté, l’employeur verse au Pôle Emploi le préavis « chargé » des cotisations patronales et salariales, dans la limite de 3 mois de salaire. L’éventuelle fraction excédentaire de préavis est versée au salarié.

Pour les bénéficiaires du CSP ayant moins de 1 an d’ancienneté, l’allocation de sécurisation professionnelle est égale à l’allocation d’assurance chômage de droit commun (en général 57 % de l’ancien salaire brut). L’employeur doit verser le préavis au salarié, et non à Pôle Emploi.
Le sort des salariés ayant de 1 an à moins de 2 ans d’ancienneté est tributaire d’une convention ETAT-UNEDIC. Si une convention en ce sens est signée, ils relèveront du même régime que les salariés ayant 2 ans d’ancienneté et plus.

Le 12 mars, l’UNEDIC a diffusé un communiqué précisant que dans l’attente de la signature de cette convention, l’Etat s’est engagé à financer le surcoût de l’allocation de sécurisation professionnelle par rapport à l’allocation d’aide au retour à l’emploi.

Ainsi, les salariés ayant 1 à 2 ans d’ancienneté qui adhèrent au CSP :
– bénéficient de l’allocation de sécurisation à hauteur du 75 salaire référence ;
– l’employeur verse au Pôle Emploi une somme correspondant à l’indemnité de préavis que le salarié aurait perçue s’il n’avait pas bénéficié du CSP, dans la limite de 3 mois de salaire (la fraction qui excède ce montant est versée au salarié dès la rupture de son contrat de travail).

JURISPRUDENCE

1- Chèques-cadeaux gérés par l’employeur : pas d’exonération sans délégation expresse du CE (Cass. 2ème Civ., 12 février 2015, nº 13-27.267)

Il résulte de l’article R. 2323-21 du Code du travail que la désignation, par le comité d’entreprise, d’une personne chargée de la gestion de ses activités sociales et culturelles, ne peut être qu’expresse.

Par conséquent, l’exonération de cotisations sociales dont bénéficient les chèques-cadeaux alloués par le CE ne s’applique pas lorsque l’employeur assure leur distribution sans justifier d’une délégation expresse du comité.

Telle est la précision apportée par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 12 février 2015.

Les chèques-cadeaux attribués aux salariés par le CE (ou par l’employeur directement, dans les entreprises de moins de 50 salariés dépourvues de CE) sont, en principe, des éléments accessoires de la rémunération soumis à cotisations sociales.

Toutefois, il existe une présomption de non-assujettissement de l’ensemble des bons d’achat lorsque leur montant global n’excède pas, sur l’année civile et par bénéficiaire, 5 % du plafond mensuel de la sécurité sociale, soit 159 € en 2015 (Instr. min., 17 avril 1985 ; Lettre-circ. Acoss nº 2011-0000024 du 21 mars 2011).

En pratique, il n’est pas rare que le CE confie la distribution des bons d’achats à l’employeur. En effet, la gestion des activités sociales et culturelles peut être assurée par des personnes désignées par le comité.

Dans une telle hypothèse, l’exonération de cotisations sociales ne s’applique que si le comité d’entreprise a expressément délégué la gestion des chèques-cadeaux à l’employeur.

A défaut, l’entreprise s’expose à un redressement URSSAF qui peut s’avérer coûteux.

Dans cette affaire, des chèques-cadeaux étaient distribués, chaque année depuis 2006, par l’employeur sans que leur montant n’excède les limites de l’exonération.

Pourtant, après un contrôle URSSAF portant sur la période de janvier 2007 à novembre 2009, l’employeur avait fait l’objet d’un redressement. En effet, pour l’organisme de recouvrement, l’employeur ne pouvait bénéficier de l’exonération de cotisations sociales dès lors qu’il n’avait pas été expressément désigné par le CE pour distribuer les bons d’achat en son nom et pour son compte.

L’employeur contestait cette mesure en faisant valoir que le comité était au courant de l’attribution de ces chèques-cadeaux puisque, avant chaque distribution, une consultation de l’institution avait été effectuée. En outre, le secrétaire du comité avait adressé à l’URSSAF une lettre par laquelle il avait indiqué que le comité était bien informé depuis 2006 de cette pratique.

Mais, pour la cour d’appel, s’il était bien démontré que le comité avait été mis au courant de la distribution de chèques-cadeaux par l’employeur, rien n’établissait que celui-ci avait reçu mandat pour le faire, de sorte qu’il ne pouvait se prévaloir des exonérations de charges sociales. Ce raisonnement a trouvé un écho favorable auprès de la Cour de cassation.

Ainsi, dès lors « qu’il est établi que le comité d’entreprise était informé de la distribution de bons-cadeaux par la société, mais que celle-ci ne justifie d’aucune délégation expresse pour ce faire », la société devait être déboutée de son recours relatif à la distribution de chèques-cadeaux.

Notons qu’en l’occurrence, si une délégation expresse avait été donnée à l’entreprise par le biais d’une délibération du CE en date du 25 mars 2011 pour les années 2010 et antérieures, la Cour de cassation ne pouvait en tenir compte, dans la mesure où elle était postérieure au redressement. Le mandat doit en effet être délivré par le comité avant que tout acte de gestion soit effectué en son nom et pour son compte.

2- Possibilité de revenir sur un licenciement par une rupture conventionnelle (Cass. soc., 3 mars 2015, n° 13-20.549, 13-15.551, 13-23.348)

Dans trois arrêts du 3 mars, la Cour de cassation envisage les effets d’une rupture conventionnelle conclue après la notification d’un licenciement et ceux d’une rupture conventionnelle conclue après l’engagement d’une procédure de licenciement disciplinaire, rupture ensuite rétractée par le salarié. Il en ressort notamment qu’une rupture conventionnelle peut être conclue après la notification d’un licenciement. Elle vaut alors renonciation commune des parties à ce dernier.

Autre précision : lorsqu’une rupture conventionnelle est conclue après la convocation du salarié à un entretien préalable à un licenciement pour faute, l’employeur peut reprendre la procédure disciplinaire si le salarié décide finalement d’exercer son droit de rétractation dans les 15 jours. Il faudra toutefois le convoquer à un nouvel entretien et veiller au respect du délai de prescription des faits fautifs.

• Effet d’une rupture conventionnelle postérieure au licenciement

Dans la première affaire, un salarié avait été licencié pour faute avec dispense de préavis par lettre du 9 janvier 2009. Le 10 février suivant, les parties ont conclu une rupture conventionnelle, homologuée par le DIRECCTE en mars.

S’appuyant sur les termes de l’article L. 1237-11 du Code du travail, selon lequel « la rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties », le salarié a ultérieurement fait valoir devant le CPH qu’une rupture conventionnelle ne pourrait pas intervenir après la notification d’un licenciement.

Il n’a pas été suivi par la Cour de cassation pour qui « lorsque le contrat de travail a été rompu par l’exercice par l’une ou l’autre des parties de son droit de résiliation unilatérale, la signature postérieure d’une rupture conventionnelle vaut renonciation commune à la rupture précédemment intervenue ».

Une rupture conventionnelle peut donc être valablement signée après un licenciement, voire même après une démission. Elle emporte alors renonciation à la rupture précédente qui ne produira aucun effet.

Rappelons qu’un licenciement ou une démission peuvent toujours être rétractés tant que l’autre partie y consent de façon claire et non équivoque (pour un licenciement: Cass. soc., 12 mai 1998, n° 95-44.354 ; pour une démission : Cass. soc., 18 juillet 2000, n° 98-41.033 ; Cass. soc., 26 avril 2007, n° 05-44.246).

La rupture conventionnelle marquant l’accord des deux parties, il n’y avait donc aucun obstacle à reconnaître sa validité et l’anéantissement de l’acte de rupture antérieur.

• Incidence de l’anéantissement du licenciement

A l’occasion de cette affaire, la Cour de cassation a réitéré sa jurisprudence sur les modalités de renonciation à la clause de non-concurrence lorsque les dispositions contractuelles ou conventionnelles accordant une telle faculté à l’employeur n’envisagent pas le cas de la rupture conventionnelle : c’est alors « la date de la rupture fixée par la convention de rupture qui détermine le respect par l’employeur du délai contractuel » (Cass. soc., 29 janvier 2014, n° 12-22.116).

La Cour précise que dans la mesure où la rupture conventionnelle vaut renonciation des parties au licenciement notifié précédemment, il n’y a pas lieu de considérer que le délai de renonciation à la clause court à compter de la notification du licenciement. C’est en effet le régime de la rupture conventionnelle qui l’emporte.

• RC conclue après l’engagement d’une procédure disciplinaire

Dans la deuxième affaire, après avoir insulté un fournisseur au cours d’une réunion du 21 mai, un commercial a été convoqué à un entretien préalable au licenciement, fixé au 7 juin.

Ce jour-là, il a signé une rupture conventionnelle, avant de se rétracter le 16 juin suivant.

Dès le 21 juin, l’employeur l’a alors convoqué à un nouvel entretien préalable au licenciement, puis lui a notifié son licenciement pour faute grave par lettre du 1er juillet.

Pour faire juger ce licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié a fait valoir qu’en s’engageant dans le processus d’une rupture conventionnelle pour ces faits précis, l’employeur avait définitivement renoncé à se prévaloir d’un licenciement disciplinaire à leur égard et, à tout le moins, d’une faute grave.

Ce salarié a été débouté. Pour la Cour de cassation, « la signature par les parties d’une rupture conventionnelle, après l’engagement d’une procédure disciplinaire de licenciement, n’emporte pas renonciation par l’employeur à l’exercice de son pouvoir disciplinaire ; il s’ensuit que si le salarié exerce son droit de rétractation de la rupture conventionnelle, l’employeur est fondé à reprendre la procédure disciplinaire par la convocation du salarié à un nouvel entretien préalable dans le respect des dispositions de l’article L. 1332-4 du Code du travail et à prononcer une sanction, y compris un licenciement pour faute grave ».

Sous réserve de convoquer à nouveau le salarié à un entretien préalable, la procédure disciplinaire peut donc être reprise à raison des mêmes faits après la rétractation d’une rupture conventionnelle.

Précisons que dans la mesure où la convocation au premier entretien préalable interrompt le délai de prescription, un nouveau délai de deux mois aura en tout état de cause commencé à courir à partir de cette même date.

En revanche, la signature de la rupture conventionnelle n’est pas susceptible d’interrompre ce délai, comme l’expose le troisième arrêt.

• RC signée avant engagement de la procédure disciplinaire

Enfin, dans la troisième affaire, après de multiples absences injustifiées, l’employeur et le salarié avaient conclu une rupture conventionnelle, mais cette fois avant même que la procédure disciplinaire ait été engagée par une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Erreur car légalement, seule cette convocation permet d’interrompre le délai de prescription des faits fautifs de deux mois. Le salarié avait en effet exercé son droit de rétractation, et lors de la convocation ultérieure au premier entretien préalable, plus de deux mois s’étaient écoulés depuis la découverte des faits fautifs.

Les faits ayant été jugés prescrits, l’employeur a été condamné pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Comme le précise en effet la Cour de cassation, « la signature par les parties d’une rupture conventionnelle ne constitue pas un acte interruptif de la prescription prévue par l’article L. 1332-4 du Code du travail ».

3- Rupture conventionnelle et date de sortie (Cass. soc., 18 février 2015, n° 13-23.880)

Le juge ne peut fixer la date de rupture du contrat de travail au jour de l’homologation.

Selon le Code du travail, la convention fixe la date de rupture du contrat, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation (article L. 1237-13).

C’est donc à tort qu’un Conseil de Prud’hommes avait ici jugé que la rupture du contrat de travail devait nécessairement être fixée au jour de l’homologation, alors que les parties avaient bien mentionné dans leur convention une date postérieure.

4- Inaptitude professionnelle pour un salarié handicapé : doublement de l’indemnité compensatrice ? (Cass. soc., 18 février 2015, n° 13-24.201)

En cas de licenciement d’un travailleur handicapé, la durée de son préavis est en principe doublée, sans pouvoir excéder 3 mois (article L. 5213-9 du Code du travail).

Dans le présent arrêt, la Cour de cassation réaffirme que cette règle ne s’applique pas lorsque le salarié handicapé est licencié pour inaptitude d’origine professionnelle.

Dans ce cas, le salarié bénéficie en effet d’un régime d’indemnisation spécifique prévu à l’article L. 1226-14, qui comprend notamment une indemnité compensatrice d’un montant égal à l’indemnité compensatrice de préavis de droit commun.

Par conséquent, le salarié handicapé licencié en raison d’une inaptitude consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle ne peut prétendre à une indemnité compensatrice doublée.

5- Réintégration d’un salarié en charge d’un portefeuille clients après une longue maladie (Cass. soc., 21 janvier 2015, n° 13-15.873)

Le salarié qui, avant son arrêt maladie, occupait des fonctions commerciales et bénéficiait d’une rémunération variable doit être réintégré dans un poste similaire assorti d’un portefeuille de clients de consistance équivalente.

A l’issue de la période de suspension du contrat, le salarié déclaré apte par le médecin du travail retrouve son emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération équivalente (Cass. soc., 25 février 1997, n° 94-41.351).

Pour être similaire, l’emploi ne doit pas entraîner, par rapport au poste antérieur, de modification d’un élément essentiel du contrat de travail (ex : rémunération ou qualification).

Ce principe est parfois difficile à mettre en œuvre, en particulier en cas de rémunération variable calculée en fonction du chiffre d’affaires.

En l’espèce, le salarié d’une compagnie d’assurances, en charge de la gestion d’un portefeuille clients, avait été en arrêt maladie pendant plus de deux ans. Considérant qu’il n’avait pas retrouvé, à son retour, un portefeuille équivalent et qu’il avait subi une diminution de revenus, il avait saisi le juge pour obtenir réparation de son préjudice.
L’employeur, quant à lui, faisait valoir que le niveau de rémunération du salarié ne dépendait pas du volume ou de la valeur de son portefeuille, mais de la qualité de son exploitation par l’intéressé, et que l’attribution de contrats à ce dernier relevait de son pouvoir de direction.

Or, les juges ont accueilli la demande du salarié en se fondant sur une comparaison entre le portefeuille dont il était titulaire avant son arrêt de travail et celui qui lui a été confié au moment de sa réintégration :
– les provisions mathématiques étaient passées d’environ 22,7 millions d’euros à 10,1 millions ;
– la valeur des contrats réemployables, de 7,5 millions d’euros à l’origine, était de 2 millions au retour du salarié ;
– le nombre de clients avait diminué, passant de 724 à 450.

Une solution équivalente a été retenue par la Cour de cassation à propos d’une salariée qui, après son congé de maternité, a été réintégrée dans une nouvelle agence. La salariée a prouvé que la partie variable de son salaire, calculée à partir d’objectifs individuels et collectifs, ne pourrait pas être équivalente à celle dont elle bénéficiait avant son congé en raison des faibles performances de l’agence d’affectation. Elle a obtenu la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur (Cass. soc., 2 avril 2014, n° 12-27.849).

6- La faculté de lever la clause de non-concurrence en cours de contrat doit être expresse (Cass. soc., 11 mars 2015, n° 13-22.257)

La Cour de cassation précise, de manière inédite, que l’employeur ne peut, sauf stipulation contraire, renoncer unilatéralement à la clause de non-concurrence au cours de l’exécution du contrat de travail. Cette stipulation doit être expresse, car si les modalités de levée de la clause ont été fixées par référence à la date de la rupture, il ne sera pas possible d’en déduire une faculté de renonciation pendant l’exécution du contrat.

Pour se libérer du paiement de la contrepartie financière, l’employeur peut renoncer à l’application de la clause de non-concurrence à condition que les stipulations contractuelles ou conventionnelles lui ouvrent une telle faculté.

Il est ainsi couramment prévu la possibilité pour l’employeur de lever la clause dans un certain délai à compter de la notification de la rupture.

Mais certaines clauses permettent également d’exercer cette faculté de renonciation en cours de contrat, indépendamment de toute rupture. Ces clauses sont parfaitement valables, comme l’indique la Cour de cassation.

Il importe toutefois que cette faculté de renonciation ait été expressément prévue.

Au cas d’espèce, « la clause de non-concurrence fixait un délai de renonciation à compter de la rupture du contrat de travail ».
Dès lors, la renonciation par l’employeur au bénéfice de la clause intervenue au cours de l’exécution dudit contrat ne pouvait produire effet et le délier valablement du paiement de la contrepartie.

En pratique, pour renoncer à la clause en cours d’exécution du contrat, l’employeur devra s’assurer que les modalités fixées contractuellement ou conventionnellement le permettent. Si, en revanche, ces modalités sont uniquement exprimées par référence à la rupture des relations contractuelles, la levée en cours de contrat sera dépourvue d’effet.

7- La désignation des membres du CHSCT doit s’effectuer par un vote à scrutin secret (Cass. soc., 28 janvier 2015, n° 14-13.989)

En matière de désignation des membres de la délégation du personnel au CHSCT, il ne peut être dérogé à l’obligation de procéder à un vote par un scrutin secret, fût-ce par accord unanime.

Les représentants du personnel appelés à désigner les membres du CHSCT peuvent, par voie d’accord unanime, fixer les modalités de cette désignation, sous réserve de respecter la règle du vote à bulletin secret.

C’est ce que confirme la Cour de cassation dans un arrêt du 28 janvier 2015.

Il ne peut pas être dérogé à cette condition. Un accord, même unanime, ne peut donc pas prévoir, comme en l’espèce, un vote à main levée.

Il n’est pas pour autant nécessaire de prévoir un vote sous enveloppe dès lors que le secret du scrutin est assuré. Il en est ainsi, par exemple, lorsque les bulletins de vote sont collectés après avoir été pliés par les électeurs (Cass. soc., 22 septembre 2010, n° 10-60.046).

8- Discrimination et harcèlement : indemnisation doublée en cas de préjudices distincts (Cass. soc., 3 mars 2015, n° 13-23.521)

Dans un arrêt rendu le 3 mars, la Cour de cassation admet qu’un salarié, victime à la fois d’une discrimination et d’un harcèlement moral, puisse prétendre à une double indemnisation, dès lors qu’est démontrée l’existence de préjudices distincts.

Lorsque des faits sont constitutifs à la fois d’une discrimination et d’un harcèlement, le salarié peut donc prétendre à une double indemnisation.

Néanmoins, ces indemnisations distinctes ne sont pas automatiques. Elles sont en effet subordonnées à la démonstration, par le salarié, de l’existence de préjudices différents.

Dans cette affaire, une salariée engagée en qualité de rédactrice stagiaire par une société d’édition avait été licenciée après avoir été déclarée inapte à tout poste existant dans l’entreprise.

S’estimant victime de harcèlement moral et de discrimination en raison de son état de grossesse, elle avait saisi le juge pour obtenir réparation. La salariée faisait en effet valoir que, après chacun de ses trois congés maternité, elle avait vu sa fonction rédactionnelle diminuer jusqu’à totalement disparaître. Ces actes discriminatoires constituaient également, selon elle, un harcèlement moral, puisque les agissements répétés de l’employeur visant à l’isoler avaient eu pour effet de porter gravement atteinte à son état de santé.

Retenant l’existence d’une discrimination, la cour d’appel avait alloué des dommages-intérêts au titre du préjudice moral résultant du sentiment d’être « mise au placard » et du préjudice financier résultant de la perte d’une partie des rémunérations qu’elle aurait pu percevoir. Les juges du fond avaient, en revanche, rejeté la demande de réparation au titre du harcèlement moral, dans la mesure où les griefs et le préjudice invoqués étaient les mêmes que ceux retenus pour caractériser l’existence de la discrimination.

Mais la Cour de cassation ne partage pas cet avis. Pour elle, les dommages-intérêts alloués au titre de la discrimination « réparent les préjudices matériels et moraux résultant de la privation d’une partie des fonctions de l’intéressée après retour de ses congés maternité ». Ils ne réparent pas, en revanche, « l’atteinte à la dignité et à la santé de la salariée, ayant conduit à un état d’inaptitude médicalement constaté, résultant du harcèlement moral dont elle a fait l’objet ».

La cour d’appel aurait donc dû accorder une indemnisation spécifique au titre de ce second préjudice.

Mais encore faut-il que le salarié apporte la preuve de préjudices distincts pour chacun de ces manquements.

En effet, le juge ne peut réparer deux fois le même préjudice, quand bien même celui-ci aurait pour origine la violation de deux obligations légales. Si le cumul d’indemnités est possible, il n’est donc pas systématique.

9- Eléments pris en compte pour vérifier le Smic/minimum conventionnel (Cass. soc., 4 février 2015, n° 13-20.879 et 13-18.523)

Dans deux arrêts, la Cour de cassation apporte des précisions sur les éléments à prendre en compte pour vérifier le respect du minimum conventionnel ou celui du Smic.

En matière d’appréciation du minimum conventionnel, il revient aux partenaires sociaux de définir les éléments de rémunération à prendre en compte.

Les juges doivent en effet se référer à la convention collective applicable et s’en tenir aux stipulations qu’elle contient quant à la nature des éléments de salaire à inclure ou à exclure de la rémunération à comparer au salaire minimum conventionnel.
Ce n’est que dans le silence de celle-ci que toutes les sommes versées en contrepartie du travail entrent dans le calcul de la rémunération à comparer à ce minimum.

Par ailleurs, c’est la loi qui fixe les sommes à prendre en compte pour vérifier si la rémunération versée au salarié est au moins égale au Smic. Selon l’article D. 3231-6 du Code du travail, ce salaire doit tenir compte, en plus du salaire de base, des avantages en nature et des majorations diverses ayant le caractère de complément de salaire, à l’exclusion des remboursements de frais, des majorations légales pour heures supplémentaires et de la prime de transport.

La Cour de cassation a déduit de ces dispositions que seules les sommes versées au salarié en contrepartie de son travail doivent être prises en considération pour déterminer s’il a perçu le Smic (Cass. soc., 4 juin 2002, n° 00-41.140).

Il est cependant difficile de savoir si une prime liée à la production ou aux résultats de l’entreprise, dont le salarié est nécessairement un membre, doit être prise en compte dans l’assiette de calcul du Smic.

Pour répondre à cette question, il convient de déterminer si la prime correspond plus ou moins à la contrepartie d’un travail individuel (ou collectif) et si son montant dépend ou non, en plus du travail accompli par le salarié, d’autres éléments sur lesquels il ne peut pas avoir d’influence.

Ainsi, il a été jugé que devait être exclue de l’assiette du Smic une prime fondée sur les résultats financiers de l’entreprise, puisqu’elle dépend de facteurs sur lesquels les salariés n’ont pas d’influence directe et est susceptible d’être remise en cause en cas de mauvais résultats (Cass. crim., 5 novembre 1996, n° 95-82.994 ; Cass. soc., 2 avril 2003, n° 00-46.320).

A l’inverse, il a été jugé que la part individualisée de la rémunération d’un salarié résultant de sa performance dans le travail doit être prise en considération dans le calcul du Smic (Cass. soc., 29 mars 1995, n° 93-41.906).

10- Suppression d’une prime de non-accident et sanction pécuniaire illicite (Cass. soc., 3 mars 2015, n° 13-23.857)

La prime de non-accident, qui n’est supprimée que dans les cas où le salarié est reconnu responsable au moins pour moitié d’un accident de la circulation, constitue une sanction pécuniaire prohibée par l’article L. 1331-2 du Code du travail.

Était en cause une prime instituée par accord collectif au sein d’une société de transport au bénéfice de salariés conducteurs. En vertu de ces dispositions conventionnelles, le conducteur était privé du versement de la prime pendant un mois lorsqu’il était responsable d’un accident à 50 % et pendant deux mois lorsqu’il était responsable à 100 %.

La Cour de cassation a jugé que, dès lors que la prime était supprimée uniquement dans les cas où le salarié était reconnu responsable au moins pour moitié d’un accident de la circulation, elle constituait une sanction pécuniaire prohibée.

Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence constante selon laquelle le fait de ne plus verser une prime à la suite de faits fautifs constitue une sanction pécuniaire illicite (Cass. soc., 2 avril 1997, n° 94-43.352 ; Cass. soc., 11 octobre 2000, n° 98-45.491), quand bien même cette suppression relève de dispositions conventionnelles (Cass. soc., 11 février 2009, n° 07-42.584).

Un accord collectif ne peut en effet faire échec à l’interdiction des sanctions pécuniaires, posée par le Code du travail.

11- L’absence de toute formation sur une période d’emploi de dix mois n’est pas fautive (Cass. soc., 5 mars 2015, n° 13-14.136)

La salariée, qui exerçait des fonctions de cadre, n’ayant occupé son dernier emploi de décoratrice-conseil, responsable clients privés et prescripteurs, que pendant dix mois, la cour d’appel a pu en déduire qu’il ne pouvait être reproché à l’employeur d’avoir manqué à son obligation d’assurer l’adaptation de la salariée à l’évolution de son emploi.

L’employeur doit assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail et veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Si le salarié n’a suivi aucune formation de ce type, l’employeur peut être reconnu fautif et redevable de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation d’adaptation.

Plus la durée d’emploi est longue, plus le risque de condamnation est élevé.

Il a ainsi déjà été jugé que deux salariés qui, sur 24 et 12 ans de carrière, n’avaient bénéficié que d’un stage de formation de trois jours sont en droit de réclamer des dommages-intérêts (Cass. soc., 23 octobre 2007, n° 06-40.950). Même verdict en cas d’absence de formation en 16 ans de carrière (Cass. soc., 5 juin 2013, n° 11-21.255) ou sur une période d’emploi de sept ans (Cass. soc., 7 mai 2014, n° 13-14.749).

En revanche, l’absence d’action de formation sur une période d’emploi d’un an et huit mois ne semble pas devoir emporter de telles conséquences (Cass. soc., 18 juin 2014, n° 13-16.848).

Dans la présente affaire, une salariée a tenté de faire sanctionner l’absence de formation alors qu’elle n’avait été employée que durant dix mois sur le dernier poste occupé. Un laps de temps jugé également trop court par les juges du fond et la Cour de cassation, pour en déduire un quelconque manquement de l’employeur à son obligation d’assurer l’adaptation de la salariée à l’évolution de son emploi.